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Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/92

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ivinité ? Dites ! Comment celui que vous appelez votre père commun, doit-il recevoir l’hommage de ses enfans qui s’égorgent ? Vainqueurs ! De quel œil doit-il voir vos bras fumans du sang qu’il a créé ? Et vous, vaincus ! Qu’espérez-vous de ces gémissemens inutiles ? Dieu a-t-il donc le cœur d’un mortel, pour avoir des passions changeantes ? Est-il, comme vous, agité par la vengeance ou la compassion, par la fureur ou le repentir ? ô quelles idées basses ils ont conçues du plus élevé des êtres ! à les entendre, il semblerait que, bizarre et capricieux, Dieu se fâche ou s’appaise comme un homme ; que tour à tour il aime ou il hait ; qu’il bat ou qu’il caresse ; que, faible ou méchant, il couve sa haine ; que contradictoire et perfide, il tend des piéges pour y faire tomber ; qu’il punit le mal qu’il permet ; qu’il prévoit le crime sans l’empêcher ; que, juge partial, on le corrompt par des offrandes ; que, despote imprudent, il fait des lois qu’ensuite il révoque ; que, tyran farouche, il ôte ou donne ses graces sans raison, et ne se fléchit qu’à force de bassesses… ah ! C’est maintenant que j’ai reconnu le mensonge de l’homme ! En voyant le tableau


qu’il a tracé de la divinité, je me suis dit : non, non, ce n’est point Dieu qui a fait l’homme à son image ; c’est l’homme qui a figuré Dieu sur la sienne ; il lui a donné son esprit, l’a revêtu de ses penchans, lui a prêté ses jugemens… et lorsqu’en ce mélange il s’est surpris contradictoire à ses propres principes, affectant une humilité