Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/244

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aux étoffes de Perse qu’on fabrique en Hollande. Candide se prosternant presque devant lui, s’écriait : Maître Pangloss me l’avait bien dit que tout est au mieux dans ce monde, car je suis infiniment plus touché de votre extrême générosité que de la dureté de ce monsieur à manteau noir, et de madame son épouse.

Le lendemain, en se promenant, il rencontra un gueux tout couvert de pustules, les yeux morts, le bout du nez rongé, la bouche de travers, les dents noires, et parlant de la gorge, tourmenté d’une toux violente, et crachant une dent à chaque effort.


Comment Candide rencontra son ancien maître de philosophie, le docteur Pangloss, et ce qui en advint.


Candide, plus ému encore de compassion que d’horreur, donna à cet épouvantable gueux les deux florins qu’il avait reçus de son honnête anabaptiste Jacques. Le fantôme le regarda fixement, versa des larmes, et sauta à son cou. Candide effrayé recule. Hélas ! dit le misérable à l’autre misérable, ne reconnaissez-vous plus votre cher Pangloss ? Qu’entends-je ? vous, mon cher maître ! vous, dans cet état horrible ! quel malheur vous est-il donc arrivé ? pourquoi n’êtes-vous plus dans le plus beau des châteaux ? qu’est devenue mademoiselle Cunégonde, la perle des filles, le chef-d’œuvre de la nature ? Je n’en peux plus, dit Pangloss.