Page:Voltaire - Œuvres complètes, Beuchot, Tome 33, 1829.djvu/263

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mademoiselle, quoique je ne puisse me tenir que sur une fesse, et nous arriverons à Cadix.

Il y avait dans la même hôtellerie un prieur de bénédictins ; il acheta le cheval bon marché. Candide, Cunégonde, et la vieille, passèrent par Lucena, par Chillas, par Lebrixa, et arrivèrent enfin à Cadix. On y équipait une flotte, et on y assemblait des troupes pour mettre à la raison les révérends pères jésuites du Paraguai, qu’on accusait d’avoir fait révolter une de leurs hordes contre les rois d’Espagne et de Portugal, auprès de la ville du Saint-Sacrement[1]. Candide, ayant servi chez les Bulgares, fit l’exercice bulgarien devant le général de la petite armée avec tant de grâce, de célérité, d’adresse, de fierté, d’agilité, qu’on lui donna une compagnie d’infanterie à commander. Le voilà capitaine ; il s’embarque avec mademoiselle Cunégonde, la vieille, deux valets, et les deux chevaux andalous qui avaient appartenu à M. le grand-inquisiteur de Portugal.

Pendant toute la traversée ils raisonnèrent beaucoup sur la philosophie du pauvre Pangloss. Nous allons dans un autre univers, disait Candide ; c’est dans celui-là, sans doute, que tout est bien : car il faut avouer qu’on pourrait gémir un peu de ce qui se passe dans le nôtre en physique et en morale. Je vous aime de tout mon cœur, disait Cunégonde ; mais j’ai encore l’âme tout effarouchée de ce que j’ai vu, de ce que j’ai éprouvé. Tout ira bien, répliquait Candide ; la mer de ce nouveau monde vaut déjà mieux que les mers de

  1. Voyez tome XVII, page 470 ; et dans les Mélanges, année 1759, la Lettre de M. Mead aux auteurs du Journal encyclopédique. B.