t’ai réchappé des galères, j’ai payé ta rançon, j’ai payé celle de ta sœur ; elle lavait ici des écuelles, elle est laide, j’ai la bonté d’en faire ma femme ; et tu prétends encore t’y opposer ! je te retuerais si j’en croyais ma colère. Tu peux me tuer encore, dit le baron, mais tu n’épouseras pas ma sœur de mon vivant.
Conclusion.
Candide, dans le fond de son cœur, n’avait aucune envie
d’épouser Cunégonde ; mais l’impertinence extrême du baron le
déterminait à conclure le mariage ; et Cunégonde le pressait si
vivement qu’il ne pouvait s’en dédire. Il consulta Pangloss,
Martin, et le fidèle Cacambo. Pangloss fit un beau mémoire par
lequel il prouvait que le baron n’avait nul droit sur sa sœur,
et qu’elle pouvait, selon toutes les lois de l’empire, épouser
Candide de la main gauche. Martin conclut à jeter le baron dans
la mer ; Cacambo décida qu’il fallait le rendre au levanti patron,
et le remettre aux galères, après quoi on l’enverrait à Rome au
père général par le premier vaisseau. L’avis fut trouvé fort
bon ; la vieille l’approuva ; on n’en dit rien à sa sœur ; la chose
fut exécutée pour quelque argent, et on eut le plaisir d’attraper
un jésuite, et de punir l’orgueil d’un baron allemand.
Il était tout naturel d’imaginer qu’après tant de désastres, Candide marié avec sa maîtresse, et vivant