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LE FANATISME
TRAGÉDIE




ACTE PREMIER.


Scène I.

ZOPIRE, PHANOR.
Zopire.

Qui ? moi, baisser les yeux devant ses faux prodiges !
Moi, de ce fanatique encenser les prestiges !
L’honorer dans la Mecque après l’avoir banni !
Non. Que des justes dieux Zopire soit puni
Si tu vois cette main, jusqu’ici libre et pure,
Caresser la révolte et flatter l’imposture !

Phanor.

Nous chérissons en vous ce zèle paternel
Du chef auguste et saint du sénat d’Ismaël ;
Mais ce zèle est funeste ; et tant de résistance,
Sans lasser Mahomet, irrite sa vengeance.
Contre ses attentats vous pouviez autrefois
Lever impunément le fer sacré des lois,
Et des embrasements d’une guerre immortelle
Étouffer sous vos pieds la première étincelle.
Mahomet citoyen ne parut à vos yeux
Qu’un novateur obscur, un vil séditieux :
Aujourd’hui, c’est un prince ; il triomphe, il domine ;
Imposteur à la Mecque, et prophète à Médine,
Il sait faire adorer à trente nations
Tous ces mêmes forfaits qu’ici nous détestons.