Et l’aigle impérieux qui plane au haut du ciel,
Rentrent dans le néant aux yeux de l’éternel ?
Les mortels sont égaux ; ce n’est point la naissance,
C’est la seule vertu qui fait leur différence[1].
Il est de ces esprits favorisés des cieux,
Qui sont tout par eux-mêmes, et rien par leurs aïeux.
Tel est l’homme, en un mot, que j’ai choisi pour maître ;
Lui seul dans l’univers a mérité de l’être ;
Tout mortel à sa loi doit un jour obéir,
Et j’ai donné l’exemple aux siècles à venir.
Je te connais, Omar : en vain ta politique
Vient m’étaler ici ce tableau fanatique :
En vain tu peux ailleurs éblouir les esprits ;
Ce que ton peuple adore excite mes mépris.
Bannis toute imposture, et d’un coup d’œil plus sage
Regarde ce prophète à qui tu rends hommage ;
Vois l’homme en Mahomet ; conçois par quel degré
Tu fais monter aux cieux ton fantôme adoré.
Enthousiaste ou fourbe, il faut cesser de l’être ;
Sers-toi de ta raison, juge avec moi ton maître :
Tu verras de chameaux un grossier conducteur,
Chez sa première épouse insolent imposteur,
Qui, sous le vain appât d’un songe ridicule,
Des plus vils des humains tente la foi crédule ;
Comme un séditieux à mes pieds amené,
Par quarante vieillards à l’exil condamné :
Trop léger châtiment qui l’enhardit au crime.
De caverne en caverne il fuit avec Fatime.
Ses disciples errants de cités en déserts,
Proscrits, persécutés, bannis, chargés de fers,
Promènent leur fureur, qu’ils appellent divine ;
De leurs venins bientôt ils infectent Médine.
Toi-même alors, toi-même, écoutant la raison,
Tu voulus dans sa source arrêter le poison.
Je te vis plus heureux, et plus juste, et plus brave,
Attaquer le tyran dont je te vois l’esclave.
S’il est un vrai prophète, osas-tu le punir ?
S’il est un imposteur, oses-tu le servir ?
- ↑ Ces vers se trouvent dans Ériphyle.