Laissait dans ses déserts ensevelir sa gloire ;
Voici les jours nouveaux marqués pour la victoire.
Vois du nord au midi l’univers désolé,
La Perse encor sanglante, et son trône ébranlé,
L’Inde esclave et timide, et l’Égypte abaissée,
Des murs de Constantin la splendeur éclipsée ;
Vois l’empire romain tombant de toutes parts,
Ce grand corps déchiré, dont les membres épars
Languissent dispersés sans honneur et sans vie :
Sur ces débris du monde élevons l’Arabie.
Il faut un nouveau culte, il faut de nouveaux fers ;
Il faut un nouveau dieu pour l’aveugle univers.
En Égypte Osiris, Zoroastre en Asie,
Chez les Crétois Minos, Numa dans l’Italie,
À des peuples sans mœurs, et sans culte, et sans rois,
Donnèrent aisément d’insuffisantes lois.
Je viens après mille ans changer ces lois grossières :
J’apporte un joug plus noble aux nations entières :
J’abolis les faux dieux ; et mon culte épuré
De ma grandeur naissante est le premier degré.
Ne me reproche point de tromper ma patrie ;
Je détruis sa faiblesse et son idolâtrie :
Sous un roi, sous un dieu, je viens la réunir ;
Et, pour la rendre illustre, il la faut asservir[1].
Voilà donc tes desseins ! C’est donc toi dont l’audace
De la terre à ton gré prétend changer la face !
Tu veux, en apportant le carnage et l’effroi,
Commander aux humains de penser comme toi :
Tu ravages le monde, et tu prétends l’instruire.
Ah ! si par des erreurs il s’est laissé séduire,
Si la nuit du mensonge a pu nous égarer,
Par quels flambeaux affreux veux-tu nous éclairer ?
Quel droit as-tu reçu d’enseigner, de prédire,
De porter l’encensoir, et d’affecter l’empire ?
Le droit qu’un esprit vaste, et ferme en ses desseins,
A sur l’esprit grossier des vulgaires humains[2].