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AVERTISSEMENT
POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.


Mérope fut-elle refusée par les comédiens français ? L’auteur de la biographie de l’abbé de Voisenon, qui est en tête des Œuvres complètes de cet écrivain, édition 1781, l’affirme. Mérope, si l’on s’en rapporte à ce biographe, aurait été refusée parce que Messieurs du tripot, comme les désigne Voltaire, n’admettaient point une tragédie sans amour. À quelque temps de là, Voltaire lut sa tragédie à l’abbé de Voisenon. Voisenon, transporté, se jette au cou du poëte, en lui jurant que c’est son chef-d’œuvre. « Eh bien ! dit Voltaire, les comédiens l’ont refusé ! » Voisenon court au théâtre, obtient pour Mérope une nouvelle lecture ; le premier jugement est revisé, et la pièce reçue au contraire avec acclamation. Cette anecdote est fort suspecte. Laharpe, dans la Correspondance littéraire nie absolument que Mérope ait jamais éprouvé un refus.[1] On a prétendu aussi que Mérope avait dû céder la place à Amasis de Lagrange-Chancel, dont le sujet était le même. Amasis avait été représentée pour la première fois le 13 décembre 1701 ; elle fut reprise le 29 janvier 1731, et eut alors seize représentations, pendant lesquelles elle attira de nombreuses assemblées. Il ne semble pas que huit ou dix ans après, ce souvenir pût être cause des retards que la tragédie de Voltaire éprouva. Bien loin d’être arrêtée par une œuvre rivale, la Mérope de Voltaire barra le passage, au contraire, à une autre Mérope et c’est peut-être ce qui est arrivé à celle-ci, qui a fait raconter ce qu’on a dit de celle-là.

Frappé des beautés de la tragédie italienne (de Maffei), Clément (de Genève), alors âgé de vingt-six ans, résolut d’accommoder ce sujet pour notre théâtre. Il touchait à la fin du troisième acte, lorsque le marquis de Maffei vint à Paris, en 1733. Clément se présenta chez lui, et prit la liberté de lui demander son avis. L’auteur de la Mérope italienne parut désirer qu’il se bornât à une simple traduction ; mais Clément ne suivit pas ce conseil, et s’empressa de mettre la dernière main à son ouvrage ; dès qu’il fut achevé, il l’offrit aux comédiens, qui exigèrent des changements. Dans l’intervalle,

  1. Paris 1804, tome I, p. 378.