A M. DE VOLTAIRE. 495
dort comme il Ta promis ^ Belle intrigue I Et la reine vient pour la seconde fois, une hache à la main, pour tuer le jeune homme, qui dormait exprès. Cette situation, répétée deux fois, est le comble de la stérilité, comme le sommeil du jeune homme est le comble du ridicule. M. MaflFei prétend qu’il y a beaucoup de génie et de variété dans cette situation répétée, parce que la première fois la reine arrive avec un dard, et la seconde fois avec une hache : quel éflFort de génie !
13 » Enfin le vieillard Polydore arrive tout à propos, et empêche la reine de faire le coup : on croirait que ce beau moment devrait faire naître mille incidents intéressants entre la mère et le fils, entre eux deux et le tyran. Rien de tout cela : Égisthe s’enfuit et ne voit point sa mère ; il n’a aucune scène avec elle, ce qui est encore un défaut de génie insupportable. Mérope demande au vieillard quelle récompense il veut ; et ce vieux fou la prie de le rajeunir*. Voilà à quoi passe son temps une reine qui devrait courir après son fils. Tout cela est bas, déplacé, et ridicule au dernier point.
14 » Dans le cours de la pièce, le tyran veut toujours épouser ; et, pour y parvenir, il fait dire à Mérope qu’il va faire égorger tous les domestiques et les courtisans de cette princesse si elle ne lui donne la main. Quelle ridicule idée ! quel extravagant que ce tyran ! M. Mafféi ne pouvait-il trouver un meilleur prétexte pour sauver l’honneur de la reine, qui à la lâcheté d’épouser le meurtrier de sa famille ?
j lô* » Autre puérilité de çollég^. Le tyran dit à son confident : M Je sais l’art de régner ; je ferai mourir les audacieux, je lâcherai la bride à tous les vices, j’inviterai mes sujets à commettre les plus grands crimes, en pardonnant aux plus coupables ; j’exposerai les gens de bien à la fureur des scélérats, etc.’ » Quel homme a jamais pensé et prononcé de telles sottises ? Cette déclamation de régent de sixième ne donne-t-elle pas une jolie idée d’un homme qui sait gouverner ?
1. « La Lindelle ment ici, dit crûment Lessing... La confidente lui recommande de rester, mais de ne pas s’endormir ; Égisthe reste, mais il s^endort, parce qu’il est fatigue, parce qu’il est nuit, et parce qu’il ne voit pas où il pourrait passer la nuit ailleurs que là. » (G A.)
2. « Fausseté ! mensonge ! » crie encore Lessing. Et il cite le discours de Polydore : Je ne désire rien : je n’aspire à rien. Je ne pourrais souhaiter qu’une chose ; mais cela n’est en la puissance ni de toi ni d’aucun mortel ; ce serait d’être allégé du poids des ans sous lequel je succombe. » (G. A.)
3. Le passage est <M ;ène i** de l’acte III, dans la Mérope de Maffei. La traduction qu’en donne Voltaire est si concise, que ce n’est qu’une imitation. (B.)