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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/32

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ZULIME.

ramire.

Une loi formidable, éternelle.

zulime.

Vous m’arrachez le cœur ; achevez, quelle est-elle ?

ramire.

C’est la religion... Je sais qu’en vos climats,
Où vingt peuples mêlés ont changé tant d’États,
L’hymen unit souvent ceux que leur loi divise.
En Espagne autrefois cette indulgence admise
Désormais parmi nous est un crime odieux :
La loi dépend toujours et des temps et des lieux.
Mon sang dans mes États m’appelle au rang suprême,
Mais il est un pouvoir au-dessus de moi-même.

zulime.

Je t’entends ; cher Ramire, il faut t’ouvrir mon cœur :
Pour ma religion j’ai connu ton horreur,
J’en ai souvent gémi ; mais, s’il ne faut rien taire,
A mon âme en secret tu la rendis moins chère.
Soit erreur ou raison, soit ou crime ou devoir,
Soit du plus tendre amour l’invincible pouvoir
(Puisse le juste ciel excuser mes faiblesses !),
Du sang en ta faveur j’ai bravé les tendresses ;
Je pourrai t’immoler, par de plus grands efforts.
Ce culte mal connu de ce sang dont je sors :
Puisqu’il t’est odieux, il doit un jour me l’être.
Fidèle à mon époux, et soumise à mon maître.
J’attendrai tout du temps et d’un si cher lien.
Mon cœur servirait-il d’autre Dieu que le tien ?
Je vois couler tes pleurs ; tant de soin, tant de flamme,
Tant d’abandonnement, ont pénétré ton âme.
Adressons l’un et l’autre au Dieu de tes autels
Ces pleurs que l’amour verse, et ces vœux solennels.
Qu’Atide y soit présente ; elle approche ; elle m’aime :
Que son amitié tendre ajoute à l’amour même !
Atide !

ramire.

C’en est trop ; et mon cœur déchiré…