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330 PRÉFACE.

Gloire, toujours prèle à recevoir ceux qui le méritent, et à exclure ceux qui sont indignes d’elle.

Le second acte désigne, sous le nom de Béhis, les conquérants injustes et sanguinaires dont le cœur est faux et farouche.

Bélus, enivré de son pouvoir, méprisant ce qu’il a aimé, sac riflant tout à une ambition cruelle, croit que des actions barbares et heureuses doivent lui ouvrir ce temple : mais il en est chassé par les Muses, qu’il dédaigne, et par les dieux, qu’il brave.

Bacchus, conquérant de l’Inde, abandonné à la mollesse et aux plaisirs, parcourant la terre avec ses bacchantes, est le sujet du troisième acte : dans l’ivresse de ses passions, à peine cherche-t-il la Gloire ; il la voit, il en est touché un moment ; mais les premiers honneurs de ce temple ne sont pas dus à un homme qui a été injuste dans ses conquêtes et effréné dans ses voluptés.

Cette place est due au héros qui parait au quatrième acte ; on a choisi Trajan parmi les empereurs romains qui ont fait la gloire de Rome et le bonheur du monde. Tous les historiens rendent témoignage que ce prince avait les vertus militaires et sociales, et qu’il les couronnait par la justice. Plus connu encore par ses bienfaits que par ses victoires, il était humain, accessible : son cœur était tendre, et cette tendresse était dans lui une vertu ; elle répandait un charme inexprimable sur ces grandes qualités qui prennent souvent un caractère de dureté dans une âme qui n’est que juste.

Il savait éloigner de lui la calomnie ; il cherchait le mérite modeste pour l’epiployer et le récompenser, parce qu’il était modeste lui-même ; et il le démêlait, parce qu’il était éclairé : il déposait avec ses amis le faste de l’empire, fier avec ses seuls ennemis ; et la clémence prenait la place de cette hauteur après la victoire. Jamais on ne fut plus grand et plus simple ; jamais prince ne goûta comme lui, au milieu des soins d’une monarchie immense, les douceurs de la vie privée et les charmes de l’amitié. Son nom est encore cher à toute la terre ; sa mémoire même fait encore des heureux : elle inspire une noble et tendre émulation aux cœurs qui sont nés dignes de l’imiter.

Trajan, dans ce poème, ainsi que dans sa vie, ne court pas après la Gloire ; il n’est occupé que de son devoir, et la Gloire vole au-devant de lui ; elle le couronne, elle le place dans son temple ; il en fait le temple du bonheur public. Il ne rapporte rien à soi, il ne songe qu’à être bienfaiteur des hommes ; et les éloges de l’empire entier viennent le chercher, parce qu’il ne cherchait que le bien de l’empire.