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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/504

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500 DISSERTATION SUR LA TRAGÉDIE.

rendre Paris aussi magnifique qu’il est riche et peuplé, et pour régaler un jour à Rome, qui est notre modèle en tant de choses. C’était un des projets de l’immortel Golbert. J’ose me flatter qu’on pardonnera cette petite digression à mon amour pour les arts et pour ma patrie, et que peut-être même un jour elle inspirera aux magistrats qui sont à la tête de cette ville la noble envie d’imiter les magistrats d’Athènes et de Rome, et ceux de l’Italie moderne. Un théâtre construit selon les règles doit être très-vaste ; il doit représenter une partie d’une place publique, le péristyle d’un palais, l’entrée d’un temple. Il doit être fait de sorte qu’un personnage, vu par les spectateurs, puisse ne l’être point par les autres personnages, selon le besoin. Il doit en imposer aux yeux, qu’il faut toujours séduire les premiers. Il doit être susceptible de la pompe la plus majestueuse. Tous les spectateurs doivent voir et entendre également, en quelque endroit qu’ils soient placés. Comment cela peut-il s’exécuter sur une scène étroite, au milieu d’une foule de jeunes gens qui laissent à peine dix pieds de place aux acteurs ? De là vient que la plupart des pièces ne sont que de longues conversations ; toute action théâtrale est souvent manquée et ridicule. Cet abus subsiste, comme tant d’autres, par la raison qu’il est établi, et parce qu’on jette rarement sa maison par terre, quoiqu’on sache qu’elle est mal tournée. Un abus public n’est jamais corrigé qu’à la dernière extrémité. Au reste, quand je parle d’une action théâtrale, je parle d’un appareil, d’une cérémonie, d’une assemblée, d’un événement nécessaire à la pièce, et non pas de ces vains spectacles plus puérils que pompeux, de ces te^ sources du décorateur qui suppléent à la stérilité du poëte, et qui amusent les yeux quand on ne sait pas parler à l’oreille et à l’âme. J’ai vu à Londres une pièce où l’on représentait le couronnement du roi d’Angleterre dans toute l’exactitude possible. Un chevalier armé de toutes pièces entrait à cheval sur le théâtre. J’ai quelquefois entendu dire à des étrangers : « Ah I le bel opéra que nous avons eu ! on y voyait passer au galop plus de deux cents gardes. » Ces gens-là ne savaient pas que quatre beaux vers valent mieux, dans une pièce, qu’un régiment de cavalerie. Nous avons à Paris une troupe comique étrangère* qui, ayant rarement de bons ouvrages à représenter, donne sur le théâtre des feux d’artifice. 11 y a longtemps qu’Horace, l’homme de l’antiquité qui avait le plus de goût, a condamné ces sottises qui leurrent le peuple :

1. La troupe des comédiens iUlicas. On y jouait aussi en français.