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HISTORIQUE.

tirée du même recueil. Cet abbé Desfontaines est celui-là même qui, pour se justifier, disait à M. le comte d’Argenson : Il faut que je vive ; et à qui M. le comte d’Argenson répondit : Je n’en vois pas la nécessité.

Ce prêtre ne s’adressait plus à des ramoneurs depuis son aventure de Bicêtre. Il élevait de jeunes Français dans ces deux métiers de non-conformiste et de folliculaire ; il leur montrait à faire des satires ; il composa avec eux des libelles diffamatoires, intitulés Voltairomanie[1] et Voltairiana[2]. C’était un ramas de contes absurdes ; on en peut juger par une des lettres de M. le duc de Richelieu, signée de sa main, dont nous avons retrouvé l’original. Voici les propres mots : « Ce livre est bien ridicule et bien plat. Ce que je trouve d’admirable, c’est que l’on y dit que Mme  de Richelieu vous avait donné cent louis et un carrosse, avec des circonstances dignes de l’auteur et non pas de vous ; mais cet homme admirable oublie que j’étais veuf en ce temps-là, et que je ne me suis remarié que plus de quinze ans après, etc. Signé : le duc de Richelieu, 8 février 1739. »

M. de Voltaire ne se prévalait pas même de tant de témoignages authentiques ; et ils seraient perdus pour sa mémoire, si nous ne les avions retrouvés avec peine dans le chaos de ses papiers.

Je tombe encore sur une lettre du marquis d’Argenson, ministre des affaires étrangères : « C’est un vilain homme que cet abbé Desfontaines ; son ingratitude est encore pire que ses crimes, qui vous avaient donné lieu de l’obliger. 7 février 1739. »

Voilà les gens à qui M. de Voltaire avait affaire, et qu’il appelait la canaille de la littérature. Ils vivent, disait-il, de brochures et de crimes.

Nous voyons qu’en effet un homme de cette trempe, nommé l’abbé Mac-Carthy, qui se disait des nobles Mac-Carthy d’Irlande, et qui se disait aussi homme de lettres, lui emprunta une somme assez considérable, et alla avec cet argent se faire mahométan à Constantinople ; sur quoi M. de Voltaire dit : « Mac-Carthy n’est allé qu’au Bosphore ; mais Desfontaines s’est réfugié plus loin vers le lac de Sodome[3]. »

Il paraît que les contradictions, les perversités, les calomnies

  1. Voyez la note, tome XXII, page 371.
  2. L’ouvrage est intitulé Voltariana ; voyez la note, tome XXII, page 76.
  3. Nous avons vu une obligation de 500 livres d’argent prêté chez Perret, notaire, 1er juillet 1730 ; mais nous n’avons pu trouver celle de 2,000 livres. (Note de Voltaire.) — Voyez tome XXXIII, pages 252 et 398.