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COMMENTAIRE

Cette lettre et la suite de cette affaire peuvent fournir des réflexions bien importantes. M. de Voltaire termina ce procès et ce procédé en payant de ses deniers la vexation qui opprimait ses pauvres vassaux ; et ce canton misérable changea bientôt de face.

Il se tira plus gaiement d’une querelle plus délicate dans le pays protestant, où il avait deux domaines assez agréables : l’un à Genève, qu’on appelle encore la maison des Délices ; l’autre à Lausanne[1].

On sait assez combien la liberté lui était chère, à quel point il détestait toute persécution, et quelle horreur il montra dans tous les temps pour ces scélérats hypocrites qui osent faire périr au nom de Dieu, dans les plus affreux supplices, ceux qu’ils accusent de ne pas penser comme eux. C’est surtout sur ce point qu’il répétait quelquefois :

Je ne décide point entre Genève et Rome[2].

Une de ses lettres[3] dans laquelle il disait que le Picard Jean Chauvin, dit Calvin, assassin véritable de Servet, avait une âme atroce, ayant été rendue publique par une indiscrétion trop ordinaire, quelques cafards s’irritèrent ou feignirent de s’irriter de ces paroles. Un Genevois homme d’esprit, nommé Rival[4], lui adressa les vers suivants à cette occasion :

Servet eut tort, et fut un sot
D’oser, dans un siècle falot,
S’avouer anti-trinitaire[5] :
Et notre illustre atrabilaire
Eut tort d’employer le fagot
Pour réfuter son adversaire :
Et tort notre antique sénat
D’avoir prêté son ministère
À ce dévot assassinat[6].

  1. Monrion ou Montriond.
  2. Henriade, chant II, vers 5.
  3. Celle à Thieriot, du 26 mars 1757 ; voyez tome XXXIX, page 194.
  4. Dans sa lettre à Vernes, du 24 décembre 1757, Voltaire dit que les vers de l’horloger Rival ont été un peu rajustés ; probablement par Voltaire lui-même (B.)
  5. Servet pouvait se reposer sur les propres paroles de Calvin, qui dit dans son ouvrage : « En cas que quelqu’un soit hétérodoxe, et qu’il fasse scrupule de se servir des mots trinité et personne, nous ne croyons point que ce soit une raison pour rejeter cet homme, etc. » (Note de Voltaire.)
  6. Il y a dans quelques éditions : à ce dangereux coup d’État. Nous ne savons