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DE VOLTAIRE.

Les FF de la loge ayant pris leurs places, les visiteurs ont été introduits au son des instruments, qui exécutaient la marche des prêtres dans l’opéra d’Alceste, ensuite un morceau touchant d’Ernelinde.

Mme  Denis, nièce de M. de Voltaire, accompagnée de Mme  la marquise de Villette, que ce grand homme avait pour ainsi dire adoptée pour sa fille, ayant fait demander de pouvoir entendre l’éloge funèbre qu’on allait prononcer, elles furent introduites, et le V F de Lalande, adressant la parole à Mme  Denis, lui a dit :

« Madame, si c’est une chose nouvelle pour vous de paraître dans une assemblée de maçons, nos frères ne sont pas moins étonnés de vous voir orner leur sanctuaire. Il n’était rien arrivé de semblable depuis que cette respectable enceinte est devenue l’asile des mystères et des travaux maçonniques ; mais tout devait être extraordinaire aujourd’hui. Nous venons y déplorer une perte telle que les lettres n’en firent jamais de semblable ; nous venons y rappeler la satisfaction que nous goûtâmes lorsque le plus illustre des Français nous combla de faveurs inattendues, et répandit sur notre loge une gloire qu’aucune autre ne pourra jamais lui disputer. Il était juste de rendre ce qu’il eut de plus cher témoin de nos hommages, de notre reconnaissance, de nos regrets. Nous ne pouvions les rendre dignes de lui qu’en les partageant avec celle qui sut embellir ses jours par les charmes de l’amitié ; qui les prolongea si longtemps par les plus tendres soins ; qui augmentait ses plaisirs, diminuait ses peines, et qui en était si digne par son esprit et par son cœur. La jeune mais fidèle compagne de vos regrets était bien digne de partager les nôtres ; le nom que lui avait donné ce tendre père en l’adoptant nous apprend assez que sa beauté n’est pas le seul droit qu’elle ait à nos hommages. Je dois le dire pour sa gloire ; j’ai vu les fleurs de sa jeunesse se flétrir par sa douleur et par ses larmes à la mort du F de Voltaire... L’ami le plus digne de ce grand homme, celui qui pouvait le mieux calmer notre douleur, le fondateur du nouveau monde, se joint à nous pour déplorer la perte de son illustre ami. Qui l’eût dit lorsque nous applaudissions avec transport à leurs embrassements réciproques, au milieu de l’Académie des sciences, lorsque nous étions dans le ravissement de voir les merveilles des deux hémisphères se confondre ainsi sur le nôtre, qu’à peine un mois s’écoulerait de ce moment flatteur jusqu’à celui de notre deuil ? »

Les députés de la loge de Thalie ayant demandé d’être entendus, le F de Coron, portant la parole, prononça un discours très-pathétique, relatif aux circonstances.

Le F de La Dixmerie lut un éloge circonstancié et complet de la personne, de la vie et des ouvrages du F de Voltaire. Nous n’entrerons point dans le détail de cet ouvrage, qui est actuellement imprimé, qui méritait à tous égards l’empressement du public, et qui réunissait le mérite du sentiment, de l’esprit et de l’érudition.

Après l’exorde, la musique exécuta un morceau touchant de l’opéra de Castor, appliqué à des paroles du F Garnier pour Voltaire. Après la première partie du discours, il y eut un morceau pareil de l’opéra de Roland.