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DE VOLTAIRE.


XXV.


LETTRE DE CATHERINE II
AU BARON GRIMM[1].
Ce 5 février 1779.

. . . Vous avez beau dire, le prospectus de Panckoucke, dans lequel il range tout par matières, démontre que sa nouvelle édition des œuvres de M. de Voltaire ne sera rien moins que chronologique, et selon moi, c’est ce qu’il y aurait de plus piquant que de trouver le tout pêle-mêle comme cela serait sorti de cette tête unique, et c’est alors qu’on l’aurait vue comme elle était, c’est-à-dire un beau et grand et unique spectacle, une tête à tintamarre, une tête utile au genre humain par plus d’un côté, une tête dont on n’aurait pu lire même les œuvres sans que cela eût renouvelé la circulation du sang dans vos veines, fortifié corps, cœur, âme et tête, épanoui la rate ; au moment où vous en auriez eu besoin, vous auriez respiré avec une facilité étonnante, et vous vous seriez trouvé d’un pied plus haut à la fin de vos lectures.....

L’échantillon que j’ai reçu de ses écrits est une terrible chose, et malgré cela l’on voit que l’auteur n’avait pas le cœur mauvais : toute la méchanceté était dans l’esprit, ou plutôt dans la langue ; mais ce qu’on y voit clairement, malgré tout ce qu’il a dit des Welches, c’est qu’il était Français à brûler.


XXVI.


LETTRE DE M. DE BURIGNY[2]
À M. L’ABBÉ MERCIER,
Abbé de Saint-Léger de Soissons, ancien bibliothécaire de Sainte-Geneviève.
Sur les démêlés
de M. de Voltaire avec M. de Saint-Hyacinthe.


Vous m’avez pressé, monsieur l’abbé, avec tant d’instance de vous apprendre ce que je savais des disputes de M. de Voltaire et de M. de Saint-Hyacinthe, que je ne peux pas me dispenser de satisfaire votre curiosité. Je vous avoue cependant que ce n’est qu’avec douleur que je me rappelle tout ce qui s’est passé dans cette querelle. Il est triste de voir des gens de lettres, avec lesquels on a des liaisons, se livrer à des excès dont ils rougiraient eux-mêmes, si la colère, que les anciens regardaient comme une espèce de folie, n’affaiblissait leur raison. Pour être instruit de ce qui s’est passé dans cette occasion, vous- ne pouviez pas mieux vous adresser qu’à moi. M. de Saint-Hyacinthe était mon intime ami, et M. de Voltaire, avec qui j’avais quelque liaison, me porta ses plaintes contre M. de Saint-Hyacinthe, et me pressa de le déterminer à lui faire satisfaction de l’injure qu’il prétendait en avoir reçue ; de sorte que personne n’a été plus au fait que moi de tout ce qui s’est fait de part et d’autre dans ce différend.

  1. Correspondance publiée par la Société impériale de l’Histoire de Russie.
  2. Cette lettre, imprimée en 1780, est devenue rare : ce qui m’a déterminé à la reproduire. L’amitié de l’auteur pour Saint-Hyacinthe ne l’a pas empêché de reconnaître que ce dernier avait été injuste envers Voltaire. (B.)