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DE VOLTAIRE.
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M. de Saint-Hyacinthe y prouve d’abord démonstrativement qu’il est l’auteur du Chef-d’œuvre.

« Quelle est votre imprudence (ce sont ses termes) d’aller dire que je n’ai pas fait un livre dont, depuis plus de trente ans, il est de notoriété publique que je suis l’auteur ? Ignorez-vous que M. Pierre Gosse, libraire de la Haye, qui a fait la première édition du Chef-d’œuvre d’un Inconnu, vit encore ; qu’il était l’ami particulier de M. de Salengre ; qu’il connaissait ceux qui ont commencé avec moi le Journal littéraire ; que si le commentaire sur la chanson : L’autre jour Colin malade, avait été l’ouvrage de la petite société qui travaillait à ce journal, M. Johnson, qui en était un des auteurs, aurait sans doute imprimé le commentaire ? »


Il ajoute que personne ne s’en est jamais dit l’auteur, quoique le succès en fût très-heureux.

Il entreprend ensuite l’apologie de la Déification du docteur Aristarchus Masso, que M. de Voltaire avait traitée avec le plus grand mépris, comme nous l’avons vu : il prétend prouver que cette pièce est une critique judicieuse des pédants comme Masso. « J’ai vu, dit-il, des personnes que vous n’oseriez traiter de viles canailles qu’à quelques lieues de distance, qui croyaient qu’il y avait dans cette pièce autant de gaieté, plus d’art et plus de savoir, que dans le commentaire sur le Chef-d’œuvre. »

Après n’avoir oublié aucun des reproches que les ennemis de M. de Voltaire lui faisaient, il l’accuse de louer excessivement les Anglais aux dépens des Français, et il ajoute : « J’ai, par un seul trait, un peu trop loué les Anglais, je l’avoue ; mais ils m’en ont corrigé, et j’ai réparé mon erreur. »

Je l’avais vu effectivement si enthousiasmé des Anglais qu’il avait pris la résolution de s’aller établir en Angleterre. Il y alla ; mais il se dégoûta bientôt d’eux, et il abandonna ce royaume, en haïssant les Anglais au moins autant qu’il les avait aimés.

Il finit cette lettre, qu’il avait écrite dans l’accès de la plus furieuse colère, par menacer M. de Voltaire de publier des anecdotes qui le regardaient, et qui ne lui feraient pas plaisir, s’il ne cesse de l’insulter.


« Ces anecdotes, continue-il, sont si singulières que le public les lira avec un très-grand plaisir. Je vous assure que je ne les publierai qu’à regret ; mais enfin quand j’en aurai pris le parti, je m’en acquitterai de mon mieux ; et ce parti est pris, si vous ne m’accordez pas la grâce que je demande. Faites-moi donc l’honneur de m’oublier, je vous prie ; ne vaut-il pas mieux m’oublier que de penser que je ne suis pas votre très-humble et très-obéissant serviteur ?

« Saint-Hyacinthe. »

« À Gencken, ce 16 mai 1745. »

M. de Saint-Hyacinthe ne manqua pas de me faire part de l’insulte que lui avait faite M. de Voltaire en lui voulant ôter le Mathanasius ; il m’écrivit à ce sujet deux lettres qui peignent au naturel la vive colère dont il était pénétré.