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HISTOIRE POSTHUME

Après que M. de Voltaire eut donné au public son Histoire universelle, je ne craignis pas de lui représenter qu’il s’y trouvait beaucoup de faits racontés avec peu d’exactitude. Ma critique était accompagnée de cette honnêteté dont les gens de lettres ne devraient jamais s’écarter ; aussi fut-elle très-bien reçue, et il m’écrivit une lettre à ce sujet, qui prouve qu’il écoutait avec plaisir les avis qu’on lui donnait. En voici quelques morceaux :

« À Monrion, près de Lausanne, 14 février 1757.

« L’esprit dans lequel j’ai écrit, monsieur, ce faible Essai sur l’histoire a pu trouver grâce devant vous, et devant quelques philosophes de vos amis. Non-seulement vous pardonnez aux fautes de cet ouvrage, mais vous avez la bonté de m’avertir de celles qui vous ont frappé ; je reconnais, à ce bon office, les sentiments de votre cœur, et le frère de ceux qui m’ont toujours honoré de leur amitié. Recevez, monsieur, mes sincères et tendres remerciements. Je ne manquerai pas de rectifier ces erreurs, et encore moins l’obligation que je vous ai. »

Il m’écrivit une seconde lettre, datée de Monrion, près de Lausanne, le 20 mars 1757, où il me réitère (ce sont ses termes) ses « sincères et tendres compliments ; je vous en dois beaucoup pour les bontés que vous avez eues de remarquer quelques-unes de ces inadvertances de l’Histoire générale. Je ne vous enverrai cette histoire qu’avec les corrections dont je vous ai l’obligation. »

Il ne regardait cette première édition que comme un essai, et comme une occasion de recueillir les avis des hommes éclairés ; c’est ainsi qu’il s’explique dans cette même lettre.

Il finissait une autre lettre qu’il m’écrivait, par cette politesse : « Je me recommande à vous, monsieur, comme à un homme de lettres, à un philosophe pour qui j’ai eu toujours autant d’estime que d’attachement pour votre famille. »

Je pourrais encore rapporter d’autres lettres de M. de Voltaire ; mais celles-ci suffisent pour vous prouver que sa haine, son mépris et sa colère contre M. de Saint-Hyacinthe, n’ont jamais influé sur moi, qu’il savait être son intime ami ; et qu’avant et après cette violente dispute il a toujours eu pour moi les égards les plus honnêtes.

Voilà, monsieur l’abbé, un compte très-exact de tout ce qui s’est passé dans cette querelle, qui m’a causé beaucoup de chagrin parce qu’elle ne faisait honneur ni à l’un ni à l’autre des deux adversaires, que j’aimais et estimais : l’un m’était très-cher, et l’autre était regardé par la nation, par l’Europe même, comme un des plus beaux génies que la France ait jamais eus.

Je vous prie, monsieur, de regarder cette lettre, que je n’ai écrite qu’avec répugnance, comme une preuve de l’empire que vous avez sur moi, et de l’estime respectueuse avec laquelle j’ai l’honneur d’être votre très-humble et très-obéissant serviteur, etc.

de Burigny.