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DES BRACHMANES, DU VEIDAM, ETC.

que la peine extrême qu’on a éprouvée dans tous les temps à dessécher les terres que la négligence des hommes a laissées longtemps inondées. Toutes les citations du Veidam, dans ce manuscrit, sont étonnantes ; on y trouve expressément ces paroles admirables : « Dieu ne créa jamais le vice, il ne peut en être l’auteur. Dieu, qui est la sagesse et la sainteté, ne créa jamais que la vertu. »

Voici un morceau des plus singuliers du Veidam : « Le premier homme, étant sorti des mains de Dieu, lui dit : Il y aura sur la terre différentes occupations, tous ne seront pas propres à toutes ; comment les distinguer entre eux ? Dieu lui répondit : Ceux qui sont nés avec plus d’esprit et de goût pour la vertu que les autres seront les brames. Ceux qui participent le plus du rosogoun, c’est-à-dire de l’ambition, seront les guerriers. Ceux qui participent le plus du tomogun, c’est-à-dire de l’avarice, seront les marchands. Ceux qui participeront du comogun, c’est-à-dire qui seront robustes et bornés, seront occupés aux œuvres serviles. »

On reconnaît dans ces paroles l’origine véritable des quatre castes des Indes, ou plutôt les quatre conditions de la société humaine. En effet, sur quoi peut être fondée l’inégalité de ces conditions, sinon sur l’inégalité primitive des talents ? Le Veidam poursuit, et dit : « L’Être suprême n’a ni corps ni figure ; » et l’Ézour-Veidam ajoute : « Tous ceux qui lui donnent des pieds et des mains sont insensés. » Chumontou cite ensuite ces paroles du Veidam : « Dans le temps que Dieu tira toutes choses du néant, il créa séparément un individu de chaque espèce, et voulut qu’il portât dans lui son germe, afin qu’il pût produire : il est le principe de chaque chose ; le soleil n’est qu’un corps sans vie et sans connaissance ; il est entre les mains de Dieu comme une chandelle entre les mains d’un homme. »

Après cela l’auteur du commentaire, combattant l’opinion des nouveaux brames, qui admettaient plusieurs incarnations dans le dieu Brama et dans le dieu Vitsnou, s’exprime ainsi :

« Dis-moi donc, homme étourdi et insensé, qu’est-ce que ce Kochiopo et cette Odité, que tu dis avoir donné naissance à ton Dieu ? Ne sont-ils pas des hommes comme les autres ? Et ce Dieu, qui est pur de sa nature, et éternel de son essence, se serait-il abaissé jusqu’à s’anéantir dans le sein d’une femme pour s’y revêtir d’une figure humaine ? Ne rougis-tu pas de nous présenter ce Dieu en posture de suppliant devant une de ses créatures ? As-tu perdu l’esprit ? ou es-tu venu à ce point d’impiété, de ne pas rougir de faire jouer à l’Être suprême le personnage de fourbe et de