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DE L’ARABIE, ET DE MAHOMET.

nations, et qui prenait une grande supériorité dans l’Arabie ; enfin le christianisme, qu’il ne connaissait que par les abus de plusieurs sectes répandues autour de son pays. Il prétendait rétablir le culte simple d’Abraham ou Ibrahim, dont il se disait descendu, et rappeler les hommes à l’unité d’un dieu, dogme qu’il s’imaginait être défiguré dans toutes les religions. C’est en effet ce qu’il déclare expressément dans le troisième Sura ou chapitre de son Koran. « Dieu connaît, et vous ne connaissez pas. Abraham n’était ni juif ni chrétien, mais il était de la vraie religion. Son cœur était résigné à Dieu ; il n’était point du nombre des idolâtres. »

Il est à croire que Mahomet, comme tous les enthousiastes, violemment frappé de ses idées, les débita d’abord de bonne foi, les fortifia par des rêveries, se trompa lui-même en trompant les autres, et appuya enfin, par des fourberies nécessaires, une doctrine qu’il croyait bonne. Il commença par se faire croire dans sa maison, ce qui était probablement le plus difficile ; sa femme et le jeune Ali, mari de sa fille, Fatime, furent ses premiers disciples. Ses concitoyens s’élevèrent contre lui ; il devait bien s’y attendre : sa réponse aux menaces des Coracites marque à la fois son caractère et la manière de s’exprimer commune de sa nation. « Quand vous viendriez à moi, dit-il, avec le soleil à la droite et la lune à la gauche, je ne reculerais pas dans ma carrière. »

Il n’avait encore que seize disciples, en comptant quatre femmes, quand il fut obligé de les faire sortir de la Mecque, où ils étaient persécutés, et de les envoyer prêcher sa religion en Éthiopie. Pour lui, il osa rester à la Mecque, où il affronta ses ennemis, et il fit de nouveaux prosélytes qu’il envoya encore en Éthiopie, au nombre de cent. Ce qui affermit le plus sa religion naissante, ce fut la conversion d’Omar, qui l’avait longtemps persécuté. Omar, qui depuis devint un si grand conquérant, s’écria, dans une assemblée nombreuse : « J’atteste qu’il n’y a qu’un Dieu, qu’il n’a ni compagnon ni associé, et que Mahomet est son serviteur et son prophète. »

Le nombre de ses ennemis l’emportait encore sur ses partisans. Ses disciples se répandirent dans Médine ; ils y formèrent une faction considérable. Mahomet, persécuté dans la Mecque, et condamné à mort, s’enfuit à Médine. Cette fuite, qu’on nomme hégire[1], devint l’époque de sa gloire et de la fondation de son em-

  1. Les auteurs de l’Art de vérifier les dates disent que l’époque de cette expulsion est le 16 juillet 622 ; mais les auteurs de la Biographie universelle font observer que le départ de Mahomet de la Mecque n’eut lieu que le 8 raby ler de cette année, et son arrivée à Médine le mardi 16 du même mois (28 septembre 622). Néanmoins on a fait remonter le commencement de cette ère au premier jour de l’année, c’est-à-dire à soixante-huit jours avant la fuite de Mahomet. (B.)