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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/244

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CHAPITRE VIII.

Il semble qu’on n’aurait pas dû compter, parmi les persécutions faites à leur foi, cette violence passagère : elle n’avait rien de commun avec leur religion, qu’on ne connaissait pas, et que les Romains confondaient avec le judaïsme, protégé par les lois autant que méprisé.

S’il est vrai qu’on ait trouvé en Espagne des inscriptions où Néron est remercié « d’avoir aboli dans la province une superstition nouvelle », l’antiquité de ces monuments est plus que suspecte. S’ils sont authentiques, le christianisme n’y est pas désigné ; et si enfin ces monuments outrageants regardent les chrétiens, à qui peut-on les attribuer qu’aux Juifs jaloux établis en Espagne, qui abhorraient le christianisme comme un ennemi né dans leur sein ?

Nous nous garderons bien de vouloir percer l’obscurité impénétrable qui couvre le berceau de l’Église naissante, et que l’érudition même a quelquefois redoublée.

Mais ce qui est très-certain, c’est qu’il n’y a que l’ignorance, le fanatisme, l’esclavage des écrivains copistes d’un premier imposteur, qui aient pu compter parmi les papes l’apôtre Pierre, Lin, Clet, et d’autres, dans le Ier siècle.

Il n’y eut aucune hiérarchie pendant près de cent ans parmi les chrétiens. Leurs assemblées secrètes se gouvernaient comme celles des primitifs ou quakers d’aujourd’hui. Ils observaient à la lettre le précepte de leur maître : « Les princes des nations dominent, il n’en sera pas ainsi entre vous : quiconque voudra être le premier sera le dernier. » La hiérarchie ne put se former que quand la société devint nombreuse, et ce ne fut que sous Trajan qu’il y eut des surveillants, episcopoi, que nous avons traduit par le mot d’évêque ; des presbyteroi, des pistoi, des énergumènes, des catéchumènes. Il n’est question du terme pape dans aucun des auteurs des premiers siècles. Ce mot grec était inconnu dans le petit nombre des demi-juifs qui prenaient à Rome le nom de chrétiens.

Il est reconnu par tous les savants que Simon Barjone, surnommé Pierre, n’alla jamais à Rome[1]. On rit aujourd’hui de la preuve que des idiots tirèrent d’une épître attribuée à cet apôtre, né en Galilée. Il dit dans cette épître qu’il est à Babylone. Les seuls qui parlent de son prétendu martyre sont des fabulistes décriés, un Hégésippe, un Marcel, un Abdias, copiés depuis par

  1. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique, l’article Voyage de saint Pierre à Rome.