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CHAPITRE IX.

loin d’être poursuivis, ils virent leur religion dominante ; et Eusèbe dit que Maxence, élu empereur à Rome en 306, ne persécuta personne.

Ils serviront utilement Constance Chlore, qui les protégea, et dont la concubine Hélène embrassa publiquement le christianisme. Ils firent donc alors un grand parti dans l’État. Leur argent et leurs armes contribuèrent à mettre Constantin sur le trône. C’est ce qui le rendit odieux au sénat, au peuple romain, aux prétoriens, qui tous avaient pris le parti de Maxence, son concurrent à l’empire. Nos historiens appellent Maxence tyran, parce qu’il fut malheureux. Il est pourtant certain qu’il était le véritable empereur, puisque le sénat et le peuple romain l’avaient proclamé.

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CHAPITRE IX.


Que les fausses légendes des premiers chrétiens n’ont point nui
à l’établissement de la religion chrétienne
[1].


Jésus-Christ avait permis que les faux évangiles se mêlassent aux véritables dès le commencement du christianisme ; et même, pour mieux exercer la foi des fidèles, les évangiles qu’on appelle aujourd’hui apocryphes précédèrent les quatre ouvrages sacrés qui sont aujourd’hui les fondements de notre foi ; cela est si vrai que les pères des premiers siècles citent presque toujours quelqu’un de ces évangiles qui ne subsistent plus. Barnabé, Clément, Ignace, enfin tous, jusqu’à Justin, ne citent que ces évangiles apocryphes. Clément, par exemple, dans le viiie chapitre, épître ii, s’exprime ainsi : « Le Seigneur dit dans son Évangile : Si vous ne gardez pas le petit, qui vous confiera le grand ? » Or ces paroles ne sont ni dans Matthieu, ni dans Marc, ni dans Luc, ni dans Jean. Nous avons vingt exemples de pareilles citations.

Il est bien évident que dans les dix ou douze sectes qui partageaient les chrétiens dès le Ier siècle, un parti ne se prévalait pas des évangiles de ses adversaires, à moins que ce fût pour les combattre ; chacun n’apportait en preuves que les livres de

  1. Voyez, dans le Dictionnaire philosophique l’article Dioclétien.