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RITES RELIGIEUX DU TEMPS DE CHARLEMAGNE.

naire à ces quatre temps de l’année. Les commandements de l’Église, qui ne sont bien connus qu’après le troisième[1] concile de Latran, en 1215, imposèrent la nécessité de faire une fois l’année ce qui semblait auparavant plus arbitraire.

Au temps de Charlemagne il y avait des confesseurs dans les armées. Charles en avait un pour lui en titre d’office : il s’appelait Valdon, et était abbé d’Augie près de Constance.

Il était permis de se confesser à un laïque, et même à une femme, en cas de nécessité[2]. Cette permission dura très-longtemps ; c’est pourquoi Joinville dit qu’il confessa en Afrique un chevalier, et qu’il lui donna l’absolution, selon le pouvoir qu’il en avait. « Ce n’est pas tout à fait un sacrement, dit saint Thomas, mais c’est comme sacrement. »

On peut regarder la confession comme le plus grand frein des crimes secrets. Les sages de l’antiquité avaient embrassé l’ombre de cette pratique salutaire. On s’était confessé dans les expiations chez les Égyptiens et chez les Grecs, et dans presque toutes les célébrations de leurs mystères. Marc-Aurèle, en s’associant aux mystères de Cérès-Éleusine, se confessa à l’hiérophante.

Cet usage, si saintement établi chez les chrétiens, fut malheureusement depuis l’occasion des plus funestes abus. La faiblesse du sexe rendit quelquefois les femmes plus dépendantes de leurs confesseurs que de leurs époux. Presque tous ceux qui confessèrent les reines se servirent de cet empire secret et sacré pour entrer dans les affaires d’État. Lorsqu’un religieux domina sur la conscience d’un souverain, tous ses confrères s’en prévalurent ; et plusieurs employèrent le crédit du confesseur pour se venger de leurs ennemis. Enfin il arriva que, dans les divisions entre les empereurs et les papes, dans les factions des villes, les prêtres ne donnaient pas l’absolution à ceux qui n’étaient pas de leur parti. C’est ce qu’on a vu en France du temps du roi Henri IV ; presque tous les confesseurs refusaient d’absoudre les sujets qui reconnaissaient leur roi. La facilité de séduire les jeunes personnes et de les porter au crime dans le tribunal même de la pénitence fut encore un écueil très-dangereux. Telle est la déplorable condition des hommes, que les remèdes les plus divins ont été tournés en poisons.

La religion chrétienne ne s’était point encore étendue au nord plus loin que les conquêtes de Charlemagne. La Scandinavie, le

  1. Que d’autres nomment le quatrième. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez les Éclaircissements. (Mélanges, année 1763). (Id.)