beau-père, appelé en Espagne d’autres mahométans d’Afrique. Il est difficile de croire qu’il ait fait une si étrange faute contre la politique ; mais les rois se conduisent quelquefois contre la vraisemblance. Quoi qu’il en soit, une armée de Maures vient fondre d’Afrique en Espagne, et augmenter la confusion où tout était alors. Le miramolin qui régnait à Maroc envoie son général Abénada au secours du roi d’Andalousie. Ce général trahit non-seulement ce roi même à qui il était envoyé, mais encore le miramolin, au nom duquel il venait. Enfin le miramolin irrité vient lui-même combattre son général perfide, qui faisait la guerre aux autres mahométans, tandis que les chrétiens étaient aussi divisés entre eux.
L’Espagne était ainsi déchirée par les mahométans et les chrétiens, lorsque le Cid, don Rodrigue, à la tête de sa chevalerie, subjugua le royaume de Valence. Il y avait en Espagne peu de rois plus puissants que lui ; mais il n’en prit pas le nom, soit qu’il préférât le titre de Cid, soit que l’esprit de chevalerie le rendît fidèle au roi Alfonse son maître. Cependant il gouverna Valence avec l’autorité d’un souverain, recevant des ambassadeurs, et respecté de toutes les nations. De tous ceux qui se sont élevés par leur courage, sans rien usurper, il n’y en a pas eu un seul qui ait eu autant de puissance et de gloire que le Cid[1].
Après sa mort, arrivée l’an 1096[2], les rois de Castille et d’Aragon continuèrent toujours leurs guerres contre les Maures : l’Espagne ne fut jamais plus sanglante et plus désolée ; triste effet de l’ancienne conspiration de l’archevêque Opas et du comte Julien, qui faisait, au bout de quatre cents ans, et fit encore longtemps après les malheurs de l’Espagne.
C’était donc depuis le milieu du xie siècle jusqu’à la fin que le Cid se rendit si célèbre en Europe : c’était le temps brillant de la chevalerie ; mais c’était aussi le temps des emportements audacieux de Grégoire VII, des malheurs de l’Allemagne et de
l’Italie, et de la première croisade.
- ↑ Voltaire, dans cette histoire du Cid, suit trop à la lettre la légende espagnole. Loin d’être un parfait chevalier, le Cid Campeador n’était qu’une espèce de condottiere, louant ses services à qui les payait le mieux, Arabes ou chrétiens. La petite souveraineté qu’il établit à Valence, vassale de nom de la Castille, était indépendante de fait. Sa femme s’appelait bien Ximena. (G. A.)
- ↑ Ou plutôt 1099.