Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
389
HENRI IV ET GRÉGOIRE VII.

maîtresses, tandis que les moindres clercs en avaient impunément. Il voulait se séparer de sa femme, fille d’un marquis de Ferrare, avec laquelle il disait n’avoir jamais pu consommer son mariage. Quelques emportements de sa jeunesse aigrissaient encore les esprits, et sa conduite affaiblissait son pouvoir.

Il y avait alors à Rome un moine de Cluny, devenu cardinal, homme inquiet, ardent, entreprenant, qui savait mêler quelquefois l’artifice à l’ardeur de son zèle pour les prétentions de l’Église. Hildebrand était le nom de cet homme audacieux, qui fut depuis ce célèbre Grégoire VII, né à Soane en Toscane, de parents inconnus, élevé à Rome, reçu moine de Cluny sous l’abbé Odillon, député depuis à Rome pour les intérêts de son ordre, employé après par les papes dans toutes ces affaires qui demandent de la souplesse et de la fermeté, et déjà célèbre en Italie par un zèle intrépide. La voix publique le désignait pour le successeur d’Alexandre II, dont il gouvernait le pontificat. Tous les portraits, ou flatteurs ou odieux, que tant d’écrivains ont faits de lui se trouvent dans le tableau d’un peintre napolitain, qui peignit Grégoire tenant une houlette dans une main et un fouet dans l’autre, foulant des sceptres à ses pieds, et ayant à côté de lui les filets et les poissons de saint Pierre.

(1073) Grégoire engagea le pape Alexandre à faire un coup d’éclat inouï, à sommer le jeune Henri de venir comparaître à Rome devant le tribunal du saint-siége. C’est le premier exemple d’une telle entreprise. Et dans quel temps la hasarde-t-on ? lorsque Rome était tout accoutumée par Henri III, père de Henri IV, à recevoir ses évêques sur un simple ordre de l’empereur. C’était précisément cette servitude dont Grégoire voulait secouer le joug ; et pour empêcher les empereurs de donner des lois dans Rome, il voulait que le pape en donnât aux empereurs. Cette hardiesse n’eut point de suite. Il semble qu’Alexandre II était un enfant perdu qu’Hildebrand détachait contre l’empire avant d’engager la bataille. La mort d’Alexandre suivit bientôt ce premier acte d’hostilité.

(1073) Hildebrand eut le crédit de se faire élire et introniser par le peuple romain, sans attendre le permission de l’empereur. Bientôt il obtint cette permission, en promettant d’être fidèle. Henri IV reçut ses excuses. Son chancelier d’Italie alla confirmer à Rome l’élection du pape, et Henri, que tous ses courtisans avertissaient de craindre Grégoire VII, dit hautement que ce pape ne pouvait être ingrat à son bienfaiteur. Mais à peine Grégoire est-il assuré du pontificat qu’il déclare excommuniés tous