CHAPITRE L.
Le gouvernement féodal était en vigueur dans presque toute l’Europe, et les lois de la chevalerie partout à peu près les mêmes. Il était surtout établi dans l’empire, en France, en Angleterre, en Espagne, par les lois des fiefs, que si le seigneur d’un fief disait à son homme lige : « Venez-vous-en avec moi, car je veux guerroyer le roi mon seigneur, qui me dénie justice », l’homme lige devait d’abord aller trouver le roi, et lui demander s’il était vrai qu’il eût refusé justice à ce seigneur. En cas de refus, l’homme lige devait marcher contre le roi, au service de ce seigneur, le nombre de jours prescrits, ou perdre son fief. Un tel règlement pouvait être intitulé Ordonnance pour faire la guerre civile.
(1158) L’empereur Frédéric Barberousse abolit cette loi établie par l’usage, et l’usage l’a conservée malgré lui dans l’empire, toutes les fois que les grands vassaux ont été assez puissants pour faire la guerre à leur chef. Elle fut en vigueur en France jusqu’au temps de l’extinction de la maison de Bourgogne. Le gouvernement féodal fit bientôt place en Angleterre à la liberté ; il a cédé en Espagne au pouvoir absolu.
Dans les premiers temps de la race de Hugues, nommée improprement Capétienne, du sobriquet donné à ce roi, tous les petits vassaux combattaient contre les grands, et les rois avaient souvent les armes à la main contre les barons du duché de France. La race des anciens pirates danois, qui régnait en Normandie et en Angleterre, favorisait toujours ce désordre. C’est ce qui fit que Louis le Gros eut tant de peine à soumettre un sire de Coucy, un baron de Corbeil, un sire de Montlhéry, un sire du village de Puiset, un seigneur de Baudouin, de Châteaufort ; on ne voit pas même qu’il ait osé et pu faire condamner à mort ces vassaux. Les choses sont bien changées en France.
L’Angleterre, dès le temps de Henri Ier, fut gouvernée comme