ver la vie. Le jésuite Daniel prétend donc que Louis VIII mourut glorieusement en ne satisfaisant pas la nature, et en combattant les hérétiques. Il est vrai qu’avant sa mort il alla en Languedoc pour s’emparer d’une partie du comté de Toulouse, que le jeune Amaury, comte de Montfort, fils de l’usurpateur, lui vendit. Mais acheter un pays d’un homme à qui ce pays n’appartient pas, est-ce là combattre pour la foi ? Un esprit juste, en lisant l’histoire, n’est presque occupé qu’à la réfuter.
CHAPITRE LII.
Vers le commencement du xiiie siècle, tandis que Philippe-Auguste régnait encore, que Jean sans Terre était dépouillé par Louis VIII, qu’après la mort de Jean et de Philippe-Auguste, Louis VIII, chassé d’Angleterre, régnait en France, et laissait l’Angleterre à Henri III ; dans ces temps, dis-je, les croisades, les persécutions contre les Albigeois, épuisaient toujours l’Europe. L’empereur Frédéric II faisait saigner les plaies mal fermées de l’Allemagne et de l’Italie. La querelle de la couronne impériale et de la mitre de Rome, les factions des Guelfes et des Gibelins, les haines des Allemands et des Italiens, troublaient le monde plus que jamais. Frédéric II, fils de Henri VI, et neveu de l’empereur Philippe, jouissait de l’empire qu’Othon IV, son compétiteur, avait abandonné avant de mourir.
Les empereurs étaient alors bien plus puissants que les rois de France : car, outre la Souabe et les grandes terres que Frédéric possédait en Allemagne, il avait aussi Naples et Sicile par héritage. La Lombardie lui appartenait par cette longue possession des empereurs ; mais cette liberté, dont les villes d’Italie étaient alors idolâtres, respectait peu la possession des Césars allemands. C’était en Allemagne un temps d’anarchie et de brigandage, qui fut de longue durée. Ce brigandage s’était tellement accru que les seigneurs comptaient parmi leurs droits celui d’être voleurs de