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DE L’EMPEREUR FRÉDÉRIC II.

un autre empereur. Ce nouveau César ne fut choisi ni par les ducs de Saxe, ou de Brabant, ou de Bavière, ou d’Autriche, ni par aucun prince de l’empire. Les évêques de Strasbourg, de Vurtzbourg, de Spire, de Metz, avec ceux de Mayence, de Cologne, et de Trêves, créèrent cet empereur. Ils choisirent un landgrave de Thuringe, qu’on appela le roi des prêtres.

Quel étrange empereur de Rome qu’un landgrave qui recevait la couronne seulement de quelques évêques de son pays ! Alors le pape fait renouveler la croisade contre Frédéric. Elle était prêchée par les frères prêcheurs, que nous appelons dominicains, et par les frères mineurs, que nous appelons cordeliers ou franciscains. Cette nouvelle milice des papes commençait à s’établir en Europe[1]. Le saint-père ne s’en tint pas à ces mesures : il ménagea des conspirations contre la vie d’un empereur qui savait résister aux conciles, aux moines, aux croisades ; du moins l’empereur se plaignit que le pape suscitait des assassins contre lui, et le pape ne répondit point à ces plaintes.

Les mêmes prélats qui s’étaient donné la liberté de faire un César, en firent encore un autre après la mort de leur Thuringien, et ce fut un comte de Hollande. La prétention de l’Allemagne sur l’empire romain ne servit donc jamais qu’à la déchirer. Ces mêmes évêques qui élisaient des empereurs se divisèrent entre eux : leur comte de Hollande fut tué dans cette guerre civile.

(1249) Frédéric II avait à combattre les papes, depuis l’extrémité de la Sicile jusqu’à celle de l’Allemagne. On dit qu’étant dans la Pouille, il découvrit que son médecin, séduit par Innocent IV, voulait l’empoisonner. Le fait me paraît douteux ; mais dans les doutes que fait naître l’histoire de ces temps, il ne s’agit que du plus ou du moins de crimes.

Frédéric, voyant avec horreur qu’il lui était impossible de confier sa vie à des chrétiens, fut obligé de prendre des mahométans pour sa garde. On prétend qu’ils ne le garantirent pas des fureurs de Mainfroi, son bâtard, qui l’étouffa, dit-on, dans sa dernière maladie. Le fait me paraît faux. Ce grand et malheureux empereur, roi de Sicile dès le berceau, ayant porté vingt-deux ans la vaine couronne de Jérusalem, et celle des Césars cinquante quatre ans (puisqu’il avait été déclaré roi des Romains en 1190), mourut âgé de cinquante-sept ans, dans le royaume de Naples (1250), et laissa le monde aussi troublé à sa mort qu’à sa nais-

  1. Voyez le chapitre cxxxix, Des Ordres religieux. (Note de Voltaire.)