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CROISADES DEPUIS LA PRISE DE JÉRUSALEM.

tiens. Ils prirent alors part à la croisade, et se firent céder une partie de cette nouvelle conquête.

De tous ces nouveaux princes qui avaient promis de faire hommage de leurs acquisitions à l’empereur grec, aucun ne tint sa promesse, et tous furent jaloux les uns des autres. En peu de temps ces nouveaux États, divisés et subdivisés, passèrent en beaucoup de mains différentes. Il s’éleva, comme en France, de petits seigneurs, des comtes de Joppé, des marquis de Galilée, de Sidon, d’Acre, de Césarée. Soliman, qui avait perdu Antioche et Nicée, tenait toujours la campagne, habitée d’ailleurs par des colons musulmans ; et sous Soliman, et après lui, on vit dans l’Asie un mélange de chrétiens, de Turcs, d’Arabes, se faisant tous la guerre ; un château turc était voisin d’un château chrétien, de même qu’en Allemagne les terres des protestants et des catholiques sont enclavées les unes dans les autres.

De ce million de croisés bien peu restaient alors. Au bruit de leurs succès, grossis par la renommée, de nouveaux essaims partirent encore de l’Occident. Ce prince Hugues, frère du roi de France Philippe Ier ramena une nouvelle multitude, grossie par des Italiens et des Allemands. On en compta trois cent mille ; mais en réduisant ce nombre aux deux tiers, ce sont encore deux cent mille hommes qu’il en coûta à la chrétienté. Ceux-là furent traités vers Constantinople à peu près comme les suivants de l’Ermite Pierre. Ceux qui abordèrent en Asie furent détruits par Soliman, et le prince Hugues mourut presque abandonné dans l’Asie-Mineure.

Ce qui prouve encore, ce me semble, l’extrême faiblesse de la principauté de Jérusalem, c’est l’établissement de ces religieux soldats, templiers et hospitaliers. Il faut bien que ces moines, fondés d’abord pour servir les malades, ne fussent pas en sûreté, puisqu’ils prirent les armes ; d’ailleurs, quand la société générale est bien gouvernée, on ne fait guère d’associations particulières. Les religieux consacrés au service des blessés ayant fait vœu de se battre, vers l’an 1118, il se forma tout d’un coup une milice semblable, sous le nom de Templiers, qui prirent ce titre parce qu’ils demeuraient auprès de cette église qui avait, disait-on, été autrefois le temple de Salomon. Ces établissements ne sont dus qu’à des Français, ou du moins à des habitants d’un pays annexé depuis à la France. Raimond Dupuy, premier grand-maître et instituteur de la milice des hospitaliers, était de Dauphiné.

À peine ces deux ordres furent-ils établis par les bulles des papes qu’ils devinrent riches et rivaux. Ils se battirent les uns