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CHARLES D’ANJOU, MAINFROI, ET CONRADIN.

du roi de France, saint Louis ; ce roi malheureusement venait d’épuiser la France par sa croisade et par sa rançon en Égypte, et il dépensait le peu qui lui restait à rebâtir en Palestine les murailles de quelques villes sur la côte, villes bientôt perdues pour les chrétiens.

Le pape Alexandre IV commence par citer par-devant lui Manfredi ; il en était en droit par les lois des fiefs, puisque ce prince était son vassal. Mais ce droit ne pouvant être que celui du plus fort, il n’y avait pas d’apparence qu’un vassal armé comparût devant son seigneur. Alexandre était à Naples, dont ses intrigues lui avaient ouvert les portes : il négocia avec son vassal, qui était dans la Pouille. Manfredi pria le saint-père de lui envoyer un cardinal pour traiter avec lui. La cour du pape décida « id non convenire sanctæ sedis honori, ut cardinales isto modo mittantur » ; qu’il ne convenait pas à l’honneur du saint-siége d’envoyer ainsi des cardinaux.

La guerre civile continua donc : le pape publia une croisade contre Mainfroi, comme on en avait publié contre les musulmans, les empereurs, et les Albigeois. Il y a bien loin de Naples en Angleterre ; cependant cette croisade y fut prêchée ; un nonce y alla lever des décimes (1255) : ce nonce releva de son vœu le roi Henri III, qui avait fait serment d’aller faire la guerre en Palestine, et lui fit faire un autre vœu de fournir de l’argent et des troupes au pape dans sa guerre contre Manfredi.

Matthieu Pâris rapporte que le nonce leva cinquante mille livres sterling en Angleterre. A voir les Anglais d’aujourd’hui, on ne croirait pas que leurs ancêtres aient pu être si imbéciles. La cour papale, pour extorquer cet argent, flattait le roi de la couronne de Naples pour le prince Edmond, son fils ; mais dans le même temps elle négociait avec Charles d’Anjou, toujours prête à donner les Deux-Siciles à qui les voudrait payer le plus chèrement. Toutes ces négociations échouèrent pour lors ; le pape dissipa l’argent qu’il avait levé en Angleterre pour sa croisade, et ne la fit point ; Manfredi régna, et Alexandre IV mourut sans réussir à rien qu’à extorquer de l’argent de l’Angleterre (1260).

Un savetier, devenu pape sous le nom d’Urbain IV, continua ce que ses prédécesseurs avaient commencé. Ce savetier était de Troyes en Champagne ; son prédécesseur avait fait prêcher une croisade en Angleterre contre les Deux-Siciles, celui-ci en fit prêcher une en France ; il prodigua des indulgences plénières, mais il ne put avoir que peu d’argent, et quelques soldats, qu’un comte de Flandre, gendre de Charles d’Anjou, conduisit en Italie. Charles