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CHAPITRE LXVIII.

tialité : et les hommes assez méchants pour commettre ces péchés furent assez sots pour les payer. Mais être à Lyon, et n’avoir que peu de crédit en Italie, ce n’était pas être pape.

Pendant qu’il siégeait à Lyon, et que Louis de Bavière s’établissait en Allemagne, l’Italie se perdait et pour l’empereur et pour lui. Les Visconti commençaient à s’établir à Milan : l’empereur Louis, ne pouvant les abaisser, feignait de les protéger, et leur laissait le titre de ses lieutenants : ils étaient gibelins ; comme tels ils s’emparaient d’une partie de ces terres de la comtesse Mathilde, éternel sujet de discorde. Jean les fit déclarer hérétiques par l’Inquisition : il était en France, il pouvait sans rien risquer donner une de ces bulles qui ôtent et qui donnent les empires. Il déposa Louis de Bavière en idée par une de ces bulles, le privant, dit-il, de tous ses biens meubles et immeubles.

(1327) L’empereur, ainsi déposé, se hâta de marcher vers l’Italie, où celui qui le déposait n’osait paraître : il vint à Rome, séjour toujours passager des empereurs, accompagné de Castracani, tyran de Lucques, ce héros de Machiavel.

Ludovico Monaldesco, natif d’Orviette, qui, à l’âge de cent quinze ans, écrivit des mémoires de son temps, dit qu’il se ressouvient très-bien de cette entrée de l’empereur Louis de Bavière (1328). « Le peuple chantait, dit-il. Vive Dieu et l’empereur ! nous sommes délivrés de la guerre, de la famine et du pape ! » Ce trait ne vaut la peine d’être cité que parce qu’il est d’un homme qui écrivait à l’âge de cent quinze années.

Louis de Bavière convoqua dans Rome une assemblée générale semblable à ces anciens parlements de Charlemagne et de ses enfants : ce parlement se tint dans la place de Saint-Pierre ; des princes d’Allemagne et d’Italie, des députés des villes, des évêques, des abbés, des religieux, y assistèrent en foule. L’empereur, assis sur un trône au haut des degrés de l’église, la couronne en tête et un sceptre d’or à la main, fit crier trois fois par un moine augustin : « Y a-t-il quelqu’un qui veuille défendre la cause du prêtre de Cahors, qui se nomme le pape Jean[1] ? » (1328) Personne n’ayant comparu, Louis prononça la sentence par laquelle il privait le pape de tout bénéfice, et le livrait au bras séculier pour être brûlé comme hérétique. Condamner ainsi à la mort un souverain pontife était le dernier excès où pût monter la querelle du sacerdoce et de l’empire.

Quelques jours après, l’empereur, avec le même appareil, créa

  1. Jacques d’Ossa (Jean XXII) était de Cahors.