S’il est permis de former des conjectures, les Indiens, vers le Gange, sont peut-être les hommes le plus anciennement rassemblés en corps de peuple. Il est certain que le terrain où les animaux trouvent la pâture la plus facile est bientôt couvert de l’espèce qu’il peut nourrir. Or il n’y a pas de contrée au monde où l’espèce humaine ait sous sa main des aliments plus sains, plus agréables et en plus grande abondance que vers le Gange. Le riz y croît sans culture ; le coco, la datte, le figuier, présentent de tous côtés des mets délicieux ; l’oranger, le citronnier, fournissent à la fois des boissons rafraîchissantes avec quelque nourriture ; les cannes de sucre sont sous la main ; les palmiers et les figuiers à larges feuilles y donnent le plus épais ombrage. On n’a pas besoin, dans ce climat, d’écorcher des troupeaux pour défendre ses enfants des rigueurs des saisons ; on les y élève encore aujourd’hui tout nus jusqu’à la puberté. Jamais on ne fut obligé, dans ce pays, de risquer sa vie en attaquant les animaux, pour la soutenir en se nourrissant de leurs membres déchirés, comme on a fait presque partout ailleurs.
Les hommes se seront rassemblés d’eux-mêmes dans ce climat heureux ; on ne se sera point disputé un terrain aride pour y établir de maigres troupeaux ; on ne se sera point fait la guerre pour un puits, pour une fontaine, comme ont fait des barbares dans l’Arabie Pétrée.
Les brames se vantent de posséder les monuments les plus anciens qui soient sur la terre. Les raretés les plus antiques que l’empereur chinois Cam-hi eût dans son palais étaient indiennes : il montrait à nos missionnaires mathématiciens d’anciennes monnaies indiennes, frappées au coin, fort antérieures aux monnaies de cuivre des empereurs chinois : et c’est probablement des Indiens que les rois de Perse apprirent l’art monétaire.
Les Grecs, avant Pythagore, voyageaient dans l’Inde pour s’instruire. Les signes des sept planètes et des sept métaux sont encore, dans presque toute la terre, ceux que les Indiens inventèrent : les Arabes furent obligés de prendre leurs chiffres. Celui des jeux[1] qui fait le plus d’honneur à l’esprit humain nous vient incontestablement de l’Inde ; les éléphants, auxquels nous avons
- ↑ Les échecs.