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À MADAME LA DUCHESSE
DE SAXE-GOTHA[1]

Madame,

Je n’ai fait qu’obéir aux ordres de votre Altesse Sérénissime en écrivant cet abrégé de l’histoire de l’empire. Il aurait un grand avantage si j’étais resté plus longtemps dans votre cour. J’aurais mieux peint la vertu, surtout cette vertu humaine et sociable à qui l’esprit et les grâces donnent un nouveau prix ; mais elle est peu du ressort de l’histoire. L’ambition, qu’on masque du grand nom de l’intérêt des États, et qui ne fait que le malheur des États ; les passions féroces, qui ont conduit presque toujours la politique, laissent peu de place à ces vertus douces qu’on ne cultive guère que dans la tranquillité. Partout où il y a des troubles, il y a des crimes ; et l’histoire n’est que le tableau des troubles du monde.

Il est important pour toutes les nations de l’Europe de s’instruire des révolutions de l’empire. Les histoires de France, d’Angleterre, d’Espagne, de Pologne, se renferment dans leurs bornes. L’empire est un théâtre plus vaste, ses prééminences, ses droits sur Rome et sur l’Italie, tant de rois, tant de souverains qu’il a créés, tant de dignités qu’il a conférées dans d’autres États, ces assemblées presque continuelles de tant de princes, tout cela forme une scène auguste, même dans les siècles les moins policés. Mais le détail en est immense ; et il reste aux hommes occupés

  1. Louise-Dorothée de Saxe-Meinungen, née le 10 auguste 1710, mariée à Frédéric III, duc de Saxe-Gotha, en 1729, morte le 11 novembre 1767. (Cl.) — L’édition de Kehl est la première qui nomme la duchesse de Saxe-Gotha. Dans les premières éditions, cette dédicace est adressée A. S. A. S. Me la D. de S. G. (B.)