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INTRODUCTION.
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lambeaux ; chaque horde de ces fiers sauvages saisit sa proie. Une preuve incontestable que ces peuples furent longtemps barbares, c’est qu’ils détruisirent beaucoup de villes, et qu’ils n’en fondèrent aucune.

Toutes ces dominations furent peu de chose jusqu’à la fin du viiie siècle, devant la puissance des califes, qui menaçait toute la terre[1].

Plus l’empire de Mahomet florissait, plus Constantinople et Rome étaient avilies. Rome ne s’était jamais relevée du coup fatal que lui porta Constantin, en transférant le siège de l’empire. La gloire, l’amour de la patrie, n’animèrent plus les Romains. Il n’y eut plus de fortune à espérer pour les habitants de l’ancienne capitale. Le courage s’énerva ; les arts tombèrent ; on ne vit plus dans le séjour des Scipion et des Césars que des contestations

  1. L’édition originale contenait ici cinq alinéa que voici, et dont plusieurs phrases sont textuellement dans l’Essai sur les Mœurs, chapitre vi (voyez tome XI, pages 213-214) :

    « Les premiers successeurs de Mahomet avaient le droit du trône et de l’autel, du glaive et de l’enthousiasme. Leurs ordres étaient autant d’oracles, leurs soldats autant de fanatiques. Dès l’an 671 ils assiégèrent Constantinople, destinée à être un jour musulmane. Les divisions inévitables parmi les nouveaux chefs de tant de peuples et d’armées n’arrêtèrent point leurs conquêtes. Les mahométans ressemblèrent, en ce point, aux anciens Romains, qui subjuguèrent l’Asie Mineure et les Gaules parmi leurs guerres civiles.

    On les voit, en 711, passer d’Égypte en Espagne, soumise aisément tour à tour par les Carthaginois, par les Romains, par les Goths et Vandales ; et enfin par ces Arabes, qu’on nomme Mores. Ils y établissent le royaume de Cordoue. Le sultan d’Égypte secoue, à la vérité, le joug du grand calife de Bagdad, et Abdérame, gouverneur de l’Espagne conquise, ne connaît plus le sultan d’Égypte ; cependant tout plie encore sous les armes musulmanes.

    Cet Abdérame, petit-fils du calife Hesham, prend les royaumes de Castille, de Navarre, de Portugal, d’Aragon ; il s’établit dans le Languedoc, il s’empare de la Guienne et du Poitou, et sans Charles Martel, qui lui ôta la victoire et la vie, la France était une province mahométane.

    À mesure que les mahométans devinrent puissants, ils se polirent. Ces califes, toujours reconnus pour souverains de la religion, et en apparence de l’empire, par ceux qui ne reçoivent plus leurs ordres de si loin, tranquilles dans leur nouvelle Babylone, y font renaître les arts. Aaron Raschild, contemporain de Charlemagne, plus illustre que ses prédécesseurs, et qui sut se faire respecter jusqu’en Espagne et au fleuve de l’Inde, ranima toutes les sciences, cultiva les arts agréables et utiles, attira les gens de lettres, et fit succéder, dans ses vastes États, la politesse à la barbarie. Sous lui les Arabes, qui adoptaient déjà les chiffres indiens, les apportèrent en Europe. Nous ne connûmes faiblement, en Allemagne et en France, le cours des astres que par le moyen de ces mêmes Arabes ; le mot seul d’Almanach en est encore un témoignage. Enfin, dès le second siècle de Mahomet, il fallut que les chrétiens d’Occident s’instruisissent chez les musulmans.

    Plus l’empire de Mahomet, etc. »

    Ces changements doivent être de 1772 ; voyez l’Avertissement. (B.)