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MATHIAS.

deux renoncé de bon gré. Albert surtout, à qui le roi d’Espagne avait laissé les Pays-Bas, aurait été plus qu’un autre en état de soutenir la dignité impériale, s’il eût régné sur la Hongrie et sur la Bohême. C’est sur un cousin, sur Ferdinand de Gratz, duc de Stirie, que Mathias veut faire tomber ses couronnes. Le droit du sang fut donc peu consulté.

1617-1618. Ferdinand est élu et reconnu successeur au royaume de Bohême par les états, et couronné en cette qualité le 29 juin. L’union évangélique commence à s’effaroucher de voir ces premiers pas de Ferdinand de Gratz vers l’empire. Mathias et Ferdinand ménagent plus que jamais l’électeur de Saxe, qui n’est point de l’union évangélique, et qui, dans l’espérance d’avoir Clèves, Berg, et Juliers, embrasse toujours le parti de la maison d’Autriche. La maison palatine, ayant des intérêts tout contraires, est toujours à la tête des protestants : et c’est là l’origine de la funeste guerre entre Ferdinand et la maison palatine ; c’est celle de la guerre de trente ans, qui désola tant de provinces, qui fit venir les Suédois au milieu de l’Allemagne, et qui produisit enfin le traité de Vestphalie, et donna une nouvelle face à l’empire.

1618. Mathias engage la branche d’Autriche espagnole à céder les prétentions qu’elle peut avoir sur la Hongrie et sur la Bohême. Philippe III, roi d’Espagne, abandonne ses droits sur ces royaumes à Ferdinand[1], à condition qu’au défaut de la postérité mâle de Ferdinand, la Hongrie et la Bohême appartiendront aux fils de Philippe III, ou à ses filles, et aux enfants de ses filles, selon l’ordre de la primogéniture. Par ce pacte de famille ces États pouvaient aisément tomber à la maison de France : car si une fille héritière de Philippe III épousait un roi de France, le fils aîné de ce roi acquérait un droit à la Hongrie et à la Bohême.

Ce pacte de famille était évidemment contraire au testament de l’empereur Ferdinand Ier[2]. Les dispositions des hommes, pour établir la paix dans l’avenir, préparent presque toujours la division. Enfin ce nouveau traité révoltait les Hongrois et les Bohémiens, qui voyaient qu’on disposait d’eux sans les consulter. Les protestants de Bohême commencent par se confédérer, à l’exemple de l’union évangélique ; bientôt ils entraînent les catholiques dans leur parti, parce qu’il s’agit des droits de l’État, et non de la religion, La Silésie, ce grand fief de la Bohême, se joint à elle : la guerre civile est allumée. Un comte de Thurn, ou de La

  1. Ce prince fut couronné roi de Hongrie le 1er juillet 1618. (Cl.)
  2. Voyez année 1564.