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LETTRE
À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA.


À Colmar, 8 mars 1754.


Madame,

Votre auguste nom a orné le commencement de ces Annales : permettez qu’il en couronne la fin ; ce petit abrégé fut commencé dans votre palais, avec le secours de l’ancien manuscrit de mon Essai sur l’histoire universelle, qu’elle possède depuis longtemps, et, quoique ce manuscrit ne soit qu’un amas très-informe de matériaux, je ne laissai pas de m’en servir. J’avais déjà fait imprimer tout le premier volume des Annales de l’Empire, lorsque j’appris que quelques cahiers de cet ancien manuscrit étaient tombés dans les mains d’un libraire de la Haye.

Ces cahiers, sans ordre, sans suite, transcrits sans doute par une main ignorante, défigurés et falsifiés, ont été, à mon grand regret, réimprimés plusieurs fois à Paris et ailleurs.

Votre Altesse Sérénissime m’en a marqué son indignation dans ses lettres : elle sait à quel point le véritable manuscrit, qui est en sa possession, diffère des fragments qu’on a rendus publics. Je devais réprouver et condamner hautement un tel abus ; je m’acquittai de ce devoir, il y a quatre mois, dans la Lettre à un professeur d’histoire[1], et je réitère aujourd’hui, sous vos auspices, madame, cette juste protestation.

À l’égard de ce petit abrégé des Annales de l’Empire, entrepris par les ordres de Votre Altesse Sérénissime, ces ordres mêmes, et l’envie de vous plaire, m’auraient rendu la vérité encore plus chère et plus sacrée, si elle ne devait l’être uniquement par elle-même.

Cette vérité, à laquelle sacrifia notre illustre de Thou, qui lui

  1. Voyez, dans les Mélanges, à sa date, cette Lettre, qui est de décembre 1753. Elle est intitulée « Lettre à M. ***, professeur en histoire ».