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DE L’ANGLETERRE JUSQU’A L’ANNÉE 1641.

réformés pour avoir de quoi lever des troupes, on ne ferait jamais la guerre. Charles Ier était déterminé par sa sœur, la princesse palatine, à cet arrangement ; c’était elle qui avait forcé le prince son mari à recevoir la couronne de Bohême, qui ensuite avait, pendant cinq ans entiers, sollicité le roi son père à la secourir, et qui enfin obtenait, par les inspirations du duc de Buckingham, un secours si longtemps différé. Le parlement ne donna qu’un très-léger subside. Il y avait quelques exemples en Angleterre de rois qui, ne voulant point assembler de parlement, et ayant besoin d’argent, en avaient extorqué des particuliers par voie d’emprunt. Le prêt était forcé : celui qui prêtait perdait d’ordinaire son argent, et celui qui ne prêtait pas était mis en prison. Ces moyens tyranniques avaient été mis en usage dans des occasions où un roi affermi et armé pouvait exercer impunément quelques vexations. Charles Ier se servit de cette voie, qu’il adoucit ; il emprunta quelques deniers, avec lesquels il eut une flotte et des soldats, qui revinrent sans avoir rien fait.

(1626) Il fallut assembler un parlement nouveau. La chambre des communes, au lieu de secourir le roi, poursuivit son favori, le duc de Buckingham, dont la puissance et la fierté révoltaient la nation. Charles, loin de souffrir l’outrage qu’on lui faisait dans la personne de son ministre, fit mettre en prison deux membres de la chambre des plus ardents à l’accuser. Cet acte de despotisme, qui violait les lois, ne fut pas soutenu, et la faiblesse avec laquelle il relâcha les deux prisonniers enhardit contre lui les esprits, que la détention de ces deux membres avait irrités. Il mit en prison pour le même sujet un pair du royaume, et le relâcha de même. Ce n’était pas le moyen d’obtenir des subsides ; aussi n’en eut-il point. Les emprunts forcés continuèrent. On logea des gens de guerre chez les bourgeois qui ne voulurent pas prêter, et cette conduite acheva d’aliéner tous les cœurs. Le duc de Buckingham augmenta le mécontentement général par son expédition infructueuse à la Rochelle (1627). Un nouveau parlement fut convoqué, mais c’était assembler des citoyens irrités ; ils ne songeaient qu’à rétablir les droits de la nation et du parlement : ils votèrent que la fameuse loi Habeas corpus, la gardienne de la liberté, ne devait jamais recevoir d’atteinte ; qu’aucune levée de deniers ne devait être faite que par acte du parlement, et que c’était violer la liberté et la propriété de loger les gens de guerre chez les bourgeois. Le roi s’opiniâtrant toujours à soutenir son autorité, et à demander de l’argent, affaiblissait l’une, et n’obtenait point l’autre. On voulait toujours faire le procès au duc de