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DE L’ANGLETERRE JUSQU’À L’ANNÉE 1641.

glicane. Il mourut avant d’accomplir ce dessein, que Charles son fils voulut exécuter.

La liturgie consistait dans quelques formules de prières, dans quelques cérémonies, dans un surplis que les célébrants devaient porter à l’église. À peine l’évêque d’Édimbourg eut fait lecture dans l’église des canons qui établissaient ces usages indifférents que le peuple s’éleva contre lui en fureur, et lui jeta des pierres. La sédition passa de ville en ville. Les presbytériens firent une ligue, comme s’il s’était agi du renversement de toutes les lois divines et humaines. D’un côté cette passion si naturelle aux grands de soutenir leurs entreprises, et de l’autre la fureur populaire, excitèrent une guerre civile en Écosse.

On ne sut pas alors ce qui la fomentait, et ce qui prépara la fin tragique de Charles : c’était le cardinal de Richelieu. Ce ministre-roi, voulant empêcher Marie de Médicis de trouver un asile en Angleterre chez sa fille, et engager Charles dans les intérêts de la France, essuya du monarque anglais, plus fier que politique, des refus qui l’aigrirent (1637). On lit, dans une lettre du cardinal au comte d’Estrades, alors envoyé en Angleterre, ces propres mots bien remarquables, que nous avons déjà rapportés : « Le roi et la reine d’Angleterre se repentiront, avant qu’il soit un an, d’avoir négligé mes offres ; on connaîtra bientôt qu’on ne doit pas me mépriser. »

Il avait parmi ses secrétaires un prêtre irlandais, qu’il envoya à Londres et à Édimbourg semer la discorde avec de l’argent parmi les puritains ; et la lettre au comte d’Estrades est encore un monument de cette manœuvre. Si l’on ouvrait toutes les archives, on y verrait toujours la religion immolée à l’intérêt et à la vengeance.

Les Écossais armèrent. Charles eut recours au clergé anglican, et même aux catholiques d’Angleterre, qui tous haïssaient également les puritains. Ils ne lui fournirent de l’argent que parce que c’était une guerre de religion ; et il eut même jusqu’à vingt mille hommes pour quelques mois. Ces vingt mille hommes ne lui servirent guère qu’à négocier ; et quand la plus grande partie de cette armée fut dissipée, faute de paye, les négociations devinrent plus difficiles (1638 et suiv.). Il fallut donc se résoudre encore à la guerre. On trouve peu d’exemples dans l’histoire d’une grandeur d’âme pareille à celle des seigneurs qui composaient le conseil secret du roi : ils lui sacrifièrent tous une grande partie de leurs biens. Le célèbre Laud, archevêque de Cantorbéry, le marquis Hamilton surtout, se signalèrent dans cette générosité,