Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
DES MALHEURS ET DE LA MORT DE CHARLES Ier.

(1641) Charles n’osait pas alors dissoudre le parlement : on ne lui eût pas obéi. Il avait pour lui plusieurs officiers de l’armée assemblée auparavant contre l’Écosse, assidus auprès de sa personne. Il était soutenu par les évêques et les seigneurs catholiques épars dans Londres ; eux qui avaient voulu, dans la conspiration des poudres, exterminer la famille royale, se livraient alors à ses intérêts : tout le reste était contre le roi. Déjà le peuple de Londres, excité par les puritains de la chambre basse, remplissait la ville de séditions ; il criait à la porte de la chambre des pairs : « Point d’évêques ! point d’évêques ! » Douze prélats intimidés résolurent de s’absenter, et protestèrent contre tout ce qui se ferait pendant leur absence. La chambre des pairs les envoya à la Tour ; et, bientôt après, les autres évêques se retirèrent du parlement.

Dans ce déclin de la puissance du roi, un de ses favoris, le lord Digby, lui donna le fatal conseil de la soutenir par un coup d’autorité. Le roi oublia que c’était précisément le temps où il ne fallait pas la compromettre. Il alla lui-même dans la chambre des communes pour y faire arrêter cinq sénateurs les plus opposés à ses intérêts, et qu’il accusait de haute trahison. Ces cinq membres s’étaient évadés ; toute la chambre se récria sur la violation de ses priviléges. Le roi, comme un homme égaré qui ne sait plus à quoi se prendre, va de la chambre des communes à l’hôtel de ville lui demander du secours ; le conseil de la ville ne lui répond que par des plaintes contre lui-même. Il se retire à Windsor ; et là, ne pouvant plus soutenir la démarche qu’on lui avait conseillée, il écrit à la chambre basse « qu’il se désiste de ses procédures contre ses membres, et qu’il prendra autant de soin des priviléges du parlement que de sa propre vie ». Sa violence l’avait rendu odieux, et le pardon qu’il en demandait le rendait méprisable.

La chambre basse commençait alors à gouverner l’État. Les pairs sont en parlement pour eux-mêmes ; c’est l’ancien droit des barons et des seigneurs de fief ; les communes sont en parlement pour les villes et les bourgs dont elles sont députées. Le peuple avait bien plus de confiance dans ses députés, qui le représentent, que dans les pairs. Ceux-ci, pour regagner le crédit qu’ils perdaient insensiblement, entraient dans les sentiments de la nation, et soutenaient l’autorité d’un parlement dont ils étaient originairement la partie principale.

Pendant cette anarchie, les rebelles d’Irlande triomphent, et, teints du sang de leurs compatriotes, ils s’autorisent encore du