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vii
AVERTISSEMENT.

les armées étrangères contre la France ; des finances mises au pillage ; un premier réparateur, l’Italien Mazarin, plus Français que les Français de la Fronde, mais qui se paye de ses services par des mains qui prennent tout ; que va-t-il demander à historien ? Ce que Voltaire s’est demandé, nous dit-il, à lui-même, avant d’écrire son chapitre : la France s’en tirera-t-elle ? Comment une société, tombée en dissolution parce que tout le monde veut la gouverner, et personne gratuitement, va-t-elle se relever sur ses bases, et quelles sont ces bases ? Le chapitre répond à ces questions. Tout ce que le lecteur voulait voir, il le voit : où il y avait des ruines, une résurrection ; où il n’y avait rien, des créations durables ; le jeu rendu à tous les ressorts de la machine ; les mêmes hommes qui hors de leur place troublaient l’État, à leur place le raffermissant et l’illustrant ; la fonction du gouvernement exercée par celui auquel elle appartenait, et qui avait, comme tout exprès, l’amour de la gloire si inséparable de l’idée du bien public que je n’oserais pas le mettre au-dessous de l’amour du devoir. Il reste de tout cela, comme impressions dernières, l’idée de ce que chacun doit à l’État et de ce que l’État doit à tous, le patriotisme, la bienveillance réciproque, le devoir de chaque profession, le besoin du grand qui est l’utile sous sa forme la plus élevée, l’admiration pour les grands hommes avec une justice particulière pour ceux qui ont le génie du gouvernement, et qui sont chargés de la triple tâche de conserver, de faire marcher, et de perfectionner la machine.

« La même intelligence des besoins du lecteur a composé le chapitre des Anecdotes et Particularités et le chapitre des Lettres et Arts. Comme beaucoup d’écrits de Voltaire, ils tiennent plus que le titre ne promet. Le premier est une histoire familière de la cour de Louis XIV ; vrai tableau, ou plutôt vraie galerie de tableaux imposants ou charmants, au-dessus desquels domine, tracé d’une main libre, pour l’histoire et non pour la tragédie, le portrait du grand roi. Dans le second, nous voyons apparaître et comme se lever successivement à l’horizon tous ces astres de la poésie, de l’éloquence et des arts, qui brillent à jamais sur la France, et dirigent les générations dans toutes les voies de l’idéal. Il s’agit encore là de portraits, de ceux qui nous sont le plus chers, de nos pères par l’esprit, de ces grands esprits qui, selon la belle parole de Voltaire, « ont préparé des plaisirs purs et durables aux hommes qui ne sont point encore nés ». Rien n’a vieilli des jugements sommaires et pourtant si pleins qu’il en a portés ; la critique la plus profonde ne réussit qu’à nous en donner les motifs…

« L’admiration pour le XVIIe siècle est une des forces morales de notre pays ; à qui nous l’a enseignée le premier il faut beaucoup pardonner. Le livre de Voltaire n’est pas seulement un bon livre : c’est un bienfait. »

Un autre écrivain, P.-J. Proudhon, placé à un point de vue très-différent, dit de même : « Sous Richelieu, Mazarin et Louis XIV, les lettrés se rangent du côté de la couronne contre la féodalité. Aux funérailles de celle-ci, ils ont tenu les coins du poêle ; grâce à eux surtout, la royauté française s’est reconnue. Quoi qu’ait écrit Saint-Simon, avocat d’un ordre de choses évanoui, quoi que ressasse à sa suite une démocratie absurde, notre jugement sur Louis XIV doit être celui de Voltaire. »