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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

Richelieu[1] (Armand-Jean Duplessis, cardinal de), né à Paris en 1585. Puisque Louis XIV naquit pendant son ministère, on doit mettre parmi les écrivains de ce siècle illustre le fondateur de l’Académie française, auteur lui-même de plusieurs ouvrages. Il fit la Méthode des controverses[2], dans son exil à Avignon, après l’assassinat du maréchal d’Ancre, et de la Galigaï, ses protecteurs. Les Principaux Points de la Religion catholique défendus, l’Instruction du Chrétien, et la Perfection du Chrétien, sont à peu près de ce temps-là. Il est bien sûr qu’il ne composait pas la Perfection du Chrétien du temps qu’il faisait condamner à mort le maréchal de Marillac dans sa propre maison de Ruel, et qu’il était avec Marion Delorme dans un appartement lorsque les commissaires prononcèrent l’arrêt de mort dicté par lui. On sait aussi qu’il y a beaucoup de vers de sa façon dans la tragi-comédie allégorique intitulée Europe, et dans la tragédie de Mirame. On sait qu’il donnait à cinq auteurs les sujets des pièces représentées au palais-cardinal, et qu’il eût mieux fait de s’en tenir au seul Corneille, sans même lui fournir de sujet. Le plus beau de ses ouvrages est la digue de la Rochelle.

L’abbé Ladvocat, bibliothécaire de Sorbonne, prétend, dans son Dictionnaire historique, que le cardinal de Richelieu est l’auteur de ce testament[3] qui a fait tant de bruit, et qui est supposé. Il croit devoir ce respect à la mémoire du bienfaiteur de la Sorbonne ; mais c’est rendre un mauvais service à sa mémoire que de l’accuser d’avoir fait un livre où il n’y a que des erreurs et des fautes de toute espèce. Si malheureusement un ministre d’État avait pu composer un si mauvais ouvrage, tout ce qu’on en devrait conclure c’est qu’on pourrait être un grand ministre, ou plutôt un ministre heureux, avec une grande ignorance des faits les plus communs, des erreurs grossières, et des projets ridicules. C’est donc venger la mémoire du cardinal de Richelieu que de démontrer, comme on l’a fait, qu’il ne peut être l’auteur de ce testament qui, sans son nom, aurait été ignoré à jamais.

L’abbé Ladvocat, tout bibliothécaire qu’il était de la Sorbonne, s’est trompé en disant qu’on avait retrouvé dans cette bibliothèque un manuscrit de cet ouvrage apostille de la main du cardinal. Le seul manuscrit apostille ainsi est au dépôt des affaires

  1. Cet article fut ajouté en 1768. (B.)
  2. Traité qui contient la méthode la plus facile et la plus assurée pour convertir ceux qui se sont séparés de l’Église, 1651, in-folio.
  3. Voyez dans le Dictionnaire philosophique aux mots Ana, Anecdote ; voyez dans les Mélanges les Conseils à un journaliste, 1737, les Mensonges imprimés, 1749-1750, les Doutes nouveaux, 1764, et l’Arbitrage, 1765.