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mérite attention de tous les temps, à ce qui peut peindre le génie et les mœurs des hommes, à ce qui peut servir d’instruction, et conseiller l’amour de la vertu, des arts, et de la patrie.

On a déjà vu[1] ce qu’étaient et la France et les autres États de l’Europe avant la naissance de Louis XIV ; on décrira ici les grands événements politiques et militaires de son règne. Le gouvernement intérieur du royaume, objet plus important pour les peuples, sera traité à part. La vie privée de Louis XIV, les particularités de sa cour et de son règne, tiendront une grande place. D’autres articles seront pour les arts, pour les sciences, pour les progrès de l’esprit humain dans ce siècle. Enfin on parlera de l’Église, qui depuis si longtemps est liée au gouvernement ; qui tantôt l’inquiète et tantôt le fortifie, et qui, instituée pour enseigner la morale, se livre souvent à la politique et aux passions humaines.



CHAPITRE II.

DES ÉTATS DE L’EUROPE AVANT LOUIS XIV.


Il y avait déjà longtemps qu’on pouvait regarder l’Europe chrétienne (à la Russie près) comme une espèce de grande république partagée en plusieurs États, les uns monarchiques, les autres mixtes ; ceux-ci aristocratiques, ceux-là populaires, mais tous correspondants les uns avec les autres ; tous ayant un même fond de religion, quoique divisés en plusieurs sectes ; tous ayant les mêmes principes de droit public et de politique, inconnus dans les autres parties du monde. C’est par ces principes que les nations européanes ne font point esclaves leurs prisonniers, qu’elles respectent les ambassadeurs de leurs ennemis, qu’elles conviennent ensemble de la prééminence et de quelques droits de certains princes, comme de l’empereur, des rois, et des autres moindres potentats, et qu’elles s’accordent surtout dans la sage

  1. Voltaire s’exprimait ainsi en 1756, lorsque les chapitres CLXV-CXC et CXCIII-CXCV de l’Essai sur l’histoire générale (devenu l’Essai sur les Mœurs) se composaient de ce qu’il avait déjà publié sous le titre de Siècle de Louis XIV. Voyez, au reste, tome XII, page 572 et suivantes ; et surtout les chapitres CLXXV et CLXXVI de l’Essai sur les Mœurs ; voyez aussi le chapitre suivant.