Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/227

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impériales, les privilèges des moindres gentilshommes allemands, furent confirmés. Le pouvoir de l’empereur fut restreint dans des bornes étroites, et les Français, joints aux Suédois, devinrent les législateurs de l’empire. Cette gloire de la France était due au moins en partie aux armes de la Suède. Gustave-Adolphe avait commencé d’ébranler l’empire. Ses généraux avaient encore poussé assez loin leurs conquêtes sous le gouvernement de sa fille Christine. Son général Vrangel était prêt d’entrer en Autriche. Le comte de Kœnigsmarck était maître de la moitié de la ville de Prague, et assiégeait l’autre lorsque cette paix fut conclue. Pour accabler ainsi l’empereur, il n’en coûta guère à la France qu’environ un million par an donné aux Suédois[1].

Aussi la Suède obtint par ces traités de plus grands avantages que la France ; elle eut la Poméranie, beaucoup de places, et de l’argent. Elle força l’empereur de faire passer entre les mains des luthériens des bénéfices qui appartenaient aux catholiques romains. Rome cria à l’impiété, et dit que la cause de Dieu était trahie. Les protestants se vantèrent qu’ils avaient sanctifié l’ouvrage de la paix, en dépouillant des papistes. L’intérêt seul fit parler tout le monde.

L’Espagne n’entra point dans cette paix, et avec assez de raison : car, voyant la France plongée dans les guerres civiles, le ministère espagnol espéra profiter des divisions de la France. Les troupes allemandes licenciées devinrent aux Espagnols un nouveau secours. L’empereur, depuis la paix de Munster, fit passer en Flandre, en quatre ans de temps, près de trente mille hommes. C’était une violation manifeste des traités ; mais ils ne sont presque jamais exécutés autrement.

Les ministres de Madrid eurent, dans le commencement de ces négociations de Vestphalie, l’adresse de faire une paix particulière avec la Hollande. La monarchie espagnole fut enfin trop heureuse de n’avoir plus pour ennemis, et de reconnaître pour souverains, ceux qu’elle avait traités si longtemps de rebelles indignes de pardon. Ces républicains augmentèrent leurs richesses, et affermirent leur grandeur et leur tranquillité, en traitant avec l’Espagne sans rompre avec la France.

(1653) Ils étaient si puissants que, dans une guerre qu’ils eurent quelque temps après avec l’Angleterre, ils mirent en mer cent vaisseaux de ligne ; et la victoire demeura souvent indécise entre Blake, l’amiral anglais, et Tromp, l’amiral de Hollande, qui

  1. Voyez les Annales de l’Empire, tome XIII, pages 571 et 575.