Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/317

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d’abord comme s’il fût venu à bout de ce qu’il avait envie de faire : ayant publiquement à sa cour un nonce du pape, des jésuites, des capucins ; mettant en prison sept évêques anglicans, qu’il eût pu gagner ; ôtant les privilèges à la ville de Londres, à laquelle il devait plutôt en accorder de nouveaux ; renversant avec hauteur des lois qu’il fallait saper en silence ; enfin se conduisant avec si peu de ménagement que les cardinaux de Rome disaient, en plaisantant, « qu’il fallait l’excommunier, comme un homme qui allait perdre le peu de catholicisme qui restait en Angleterre ». Le pape Innocent XI n’espérait rien des entreprises de Jacques, et refusait constamment un chapeau de cardinal, que ce roi demandait pour son confesseur le jésuite Peters. Ce jésuite était un intrigant impétueux qui, dévoré de l’ambition d’être cardinal et primat d’Angleterre, poussait son maître au précipice. Les principales têtes de l’État se réunirent en secret contre les desseins du roi. Ils députèrent vers le prince d’Orange. Leur conspiration fut tramée avec une prudence et un secret qui endormirent la confiance de la cour.

[1] Le prince d’Orange équipa une flotte qui devait porter quatorze à quinze mille hommes. Ce prince n’était rien autre chose qu’un particulier illustre, qui jouissait à peine de cinq cent mille florins de rente ; mais telle était sa politique heureuse que l’argent, la flotte, les cœurs des États-Généraux, étaient à lui. Il était roi véritablement en Hollande par sa conduite habile, et Jacques cessait de l’être en Angleterre par sa précipitation. On publia d’abord que cet armement était destiné contre la France. Le secret fut gardé par plus de deux cents personnes. Barillon, ambassadeur de France à Londres, homme de plaisir, plus instruit des intrigues des maîtresses de Jacques que de celles de l’Europe, fut trompé le premier. Louis XIV ne le fut pas : il offrit des secours à son allié, qui les refusa d’abord avec sécurité, et qui les demanda ensuite, lorsqu’il n’était plus temps et que la flotte du prince, son gendre, était à la voile. Tout lui manqua à la fois comme il se manqua à lui-même. (Octobre 1688) Il écrivit

  1. L’auteur des Mémoires de Maintenon avance que le prince d’Orange, voyant que les États-Généraux refusaient des fonds, entra dans l’assemblée, et dit ces mots : « Messieurs, il y aura guerre au printemps prochain, et je demande qu’on enregistre cette prédiction. » Il cite le comte d’Avaux.

    Il dit que ce ministre pénétrait toutes les mesures du prince d’Orange. Il est difficile d’entasser plus mal plus de faussetés. Les neuf mille matelots étaient prêts dès l’an 1687. Le comte d’Avaux ne dit pas un mot du prétendu discours du prince d’Orange. Il ne soupçonna le dessein de ce prince que le 20 mai 1688. Voyez sa lettre au roi, du 20 mai. (Note de Voltaire.)