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çais, parce qu’il y en avait moins. La mort de Colbert et la guerre avaient beaucoup diminué le commerce.

Le résultat des expéditions de terre et de mer était donc le malheur universel. Ceux qui ont plus d’humanité que de politique remarqueront que, dans cette guerre, Louis XIV était armé contre son beau-frère, le roi d’Espagne ; contre l’électeur de Bavière, dont il avait donné la sœur à son fils le dauphin ; contre l’électeur palatin, dont il brûla les États après avoir marié Monsieur à la princesse palatine. Le roi Jacques fut chassé du trône par son gendre et par sa fille. Depuis même on a vu[1] le duc de Savoie ligué encore contre la France, où l’une de ses filles était dauphine, et contre l’Espagne, où l’autre était reine. La plupart des guerres entre les princes chrétiens sont des espèces de guerres civiles.

L’entreprise la plus criminelle de toute cette guerre fut la seule véritablement heureuse. Guillaume réussit toujours pleinement en Angleterre et en Irlande. Ailleurs les succès furent balancés. Quand j’appelle cette entreprise criminelle, je n’examine pas si la nation, après avoir répandu le sang du père, avait tort ou raison de proscrire le fils, et de défendre sa religion et ses droits ; je dis seulement que, s’il y a quelque justice sur la terre, il n’appartenait pas à la fille et au gendre du roi Jacques de le chasser de sa maison. Cette action serait horrible entre des particuliers ; l’intérêt des peuples semble établir une autre morale pour les princes.


CHAPITRE XVII.

TRAITÉ AVEC LA SAVOIE. MARIAGE DU DUC DE BOURGOGNE. PAIX DE RYSVICK. ÉTAT DE LA FRANCE ET DE L’EUROPE. MORT ET TESTAMENT DE CHARLES II, ROI D’ESPAGNE.


La France conservait encore sa supériorité sur tous ses ennemis. Elle en avait accablé quelques-uns, comme la Savoie et le Palatinat. Elle faisait la guerre sur les frontières des autres. C’était un corps puissant et robuste, fatigué d’une longue résistance, et

  1. Voyez chapitre xviii, année 1703.