Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/431

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compter parmi les articles glorieux au ministère anglais, d’avoir fait consentir Louis XIV à faire sortir de prison ceux de ses propres sujets qui étaient retenus pour leur religion. C’était dicter des lois, mais des lois bien respectables.

Enfin la reine Anne, sacrifiant à sa patrie les droits de son sang et les secrètes inclinations de son cœur, faisait assurer et garantir sa succession à la maison de Hanovre.

Quant aux électeurs de Bavière et de Cologne, le duc de Bavière devait retenir le duché de Luxembourg et le comté de Namur, jusqu’à ce que son frère et lui fussent rétablis dans leurs électorats ; car l’Espagne avait cédé ces deux souverainetés au Bavarois en dédommagement de ses pertes, et les alliés n’avaient pris ni Namur ni Luxembourg.

Pour la France, qui démolissait Dunkerque, et qui abandonnait tant de places en Flandre, autrefois conquises par ses armes, et assurées par les traités de Nimègue et de Rysvick, on lui rendait Lille, Aire, Béthune, et Saint-Venant.

Ainsi il paraissait que le ministère anglais rendait justice à toutes les puissances. Mais les whigs ne la lui rendirent pas ; et la moitié de la nation persécuta bientôt la mémoire de la reine Anne, pour avoir fait le plus grand bien qu’un souverain puisse jamais faire, pour avoir donné le repos à tant de nations. On lui reprocha d’avoir pu démembrer la France, et de ne l’avoir pas fait[1].

Tous ces traités furent signés l’un après l’autre, dans le cours de l’année 1713. Soit opiniâtreté du prince Eugène, soit mauvaise politique du conseil de l’empereur, ce monarque n’entra dans aucune de ces négociations. Il aurait eu certainement Landau, et peut-être Strasbourg, s’il s’était prêté d’abord aux vues de la reine Anne. Il s’obstina à la guerre, et il n’eut rien. Le maréchal de Villars, ayant mis ce qui restait de la Flandre française en sûreté, alla vers le Rhin ; et après s’être rendu maître de Spire, de Vorms, de tous les pays d’alentour, (22 août 1713) il prend ce même Landau, que l’empereur eût pu conserver par la paix ;

  1. La reine Anne envoya au mois d’août son secrétaire d^État, le vicomte de Bolingbroke, consommer la négociation. Le marquis de Torcy fait un très-grand éloge de ce ministre, et dit que Louis XIV lui fit l’accueil qu’il lui devait. En effet, il fut reçu à la cour comme un homme qui venait donner la paix ; et lorsqu’il vint à l’opéra, tout le monde se leva pour lui faire honneur : c’est donc une grande calomnie, dans les Mémoires de Maintenon, de dire, page 115 du tome V : « Le mépris que Louis XIV témoigna pour milord Bolinbrogke ne prouve point qu’il l’ait eu au nombre de ses pensionnaires. » Il est plaisant de voir un tel homme parler ainsi des plus grands hommes. (Note de Voltaire.)