Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils ne se trouvèrent pas. Louis XIV écrivit de sa main au roi d’Espagne Philippe V, son petit-fils, qui les prêta. Ce fut avec ce secours que le prétendant passa secrètement en Écosse. Il y trouva en effet un parti considérable ; mais il venait d’être défait par l’armée anglaise du roi George.

Louis était déjà mort ; le prétendant revint cacher dans Commercy la destinée qui le poursuivit toute sa vie, pendant que le sang de ses partisans coulait en Angleterre sur les échafauds.

Nous verrons dans les chapitres réservés à la vie privée et aux anecdotes comment mourut Louis XIV au milieu des cabales odieuses de son confesseur, et des plus méprisables querelles théologiques qui aient jamais troublé des esprits ignorants et inquiets. Mais je considère ici l’état où il laissa l’Europe.

La puissance de la Russie s’affermissait chaque jour dans le Nord, et cette création d’un nouveau peuple et d’un nouvel empire était encore trop ignorée en France, en Italie et en Espagne.

La Suède, ancienne alliée de la France, et autrefois la terreur de la maison d’Autriche, ne pouvait plus se défendre contre les Russes, et il ne restait à Charles XII que de la gloire.

Un simple électorat d’Allemagne commençait à devenir une puissance prépondérante. Le second roi de Prusse, électeur de Brandebourg, avec de l’économie et une armée, jetait les fondements d’une puissance jusque-là inconnue.

La Hollande jouissait encore de la considération qu’elle avait acquise dans la dernière guerre contre Louis XIV ; mais le poids qu’elle mettait dans la balance devint toujours moins considérable. L’Angleterre, agitée de troubles dans les premières années du règne d’un électeur de Hanovre, conserva toute sa force et toute son influence. Les États de la maison d’Autriche languirent sous Charles VI ; mais la plupart des princes de l’empire firent fleurir leurs États. L’Espagne respira sous Philippe V, qui devait son trône à Louis XIV. L’Italie fut tranquille jusqu’à l’année 1717. Il n’y eut aucune querelle ecclésiastique en Europe qui pût donner au pape un prétexte de faire valoir ses prétentions, ou qui pût le priver des prérogatives qu’il a conservées. Le jansénisme seul troubla la France, mais sans faire de schisme, sans exciter de guerre civile.