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cipal honneur, surintendant en 1653, conjointement avec Nicolas Fouquet, administra jusqu’à sa mort, arrivée en 1659. Mais Fouquet eut toujours la principale direction.

Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Isle, surintendant en 1653, quoiqu’il fût procureur général du parlement de Paris. On a imprimé par erreur, dans les premières éditions du Siècle de Louis XIV, qu’il dépensa dix-huit cent mille francs à bâtir son palais de Vaux, aujourd’hui Villars ; c’est une erreur de typographie : il y prodigua dix-huit millions de son temps, qui en feraient près de trente-six du nôtre[1].

Le cardinal Mazarin, depuis son retour en 1653, se faisait donner, par le surintendant, vingt-trois millions par an pour les dépenses secrètes. Il achetait à vil prix de vieux billets décriés, et se faisait payer la somme entière. Ce fut ce qui perdit Fouquet. Jamais dissipateur des finances royales ne fut plus noble et plus généreux que ce surintendant. Jamais homme en place n’eut plus d’amis personnels, et jamais homme persécuté ne fut mieux servi dans son malheur. Condamné cependant au bannissement perpétuel, par commissaires, en 1664. Mort ignoré en 1680[2].

Après sa disgrâce, la place de surintendant fut supprimée.

Sous les surintendants il y avait des contrôleurs généraux. Le cardinal Mazarin nomma à cette place un étranger, calviniste d’Augsbourg, nommé Barthélémy Hervart, qui était son banquier. Cet Hervart avait en effet rendu les plus grands services à la couronne. Ce fut lui qui, après la mort du duc Bernard de Saxe-Veimar, donna son armée à la France, en avançant tout l’argent nécessaire. Ce fut lui qui retint cette même armée et d’autres régiments dans le service du roi, lorsque le vicomte de Turenne voulut la faire révolter, en 1648. Il avança deux millions cinq cent mille livres de la monnaie d’alors pour la retenir dans le devoir ; deux importants services qui prouvent qu’on n’est le maître qu’avec de l’argent.

Lorsqu’on arrêta le surintendant Fouquet, il prêta encore au roi deux millions. Il jouait un jeu prodigieux, et perdit souvent cent mille écus dans une séance. Cette profusion l’empêcha d’avoir la première place. Le roi eut avec raison plus de confiance en Colbert. Hervart, mort simple conseiller d’État, en 1676.

Sa famille quitta le royaume après la révocation de l’édit de Nantes, et porta des biens immenses dans les pays étrangers.

  1. Voyez le chapitre xxv.
  2. Ibid.