Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/485

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établit dans le salon de Marly quatre boutiques remplies de ce que l'industrie des ouvriers de Paris avait produit de plus riche et de plus recherché. Ces quatre boutiques étaient autant de décorations superbes, qui représentaient les quatre saisons de l’année. Mme de Montespan en tenait une avec Monseigneur. Sa rivale, Mme de Maintenon, en tenait une autre avec le duc du Maine. Les deux nouveaux mariés avaient chacun la leur ; Monsieur le Duc avec Mme de Thiange, et Madame la Duchesse, à qui la bienséance ne permettait pas d’en tenir une avec un homme, à cause de sa grande jeunesse, était avec la duchesse de Chevreuse. Les dames et les hommes nommés du voyage tiraient au sort les bijoux dont ces boutiques étaient garnies. Ainsi le roi fit des présents à toute la cour, d’une manière digne d’un roi. La loterie du cardinal Mazarin fut moins ingénieuse et moins brillante. Ces loteries avaient été mises en usage autrefois par les empereurs romains ; mais aucun d’eux n’en releva la magnificence par tant de galanterie.

Après le mariage de sa fille. Mme de Montespan ne reparut plus à la cour. Elle vécut à Paris avec beaucoup de dignité. Elle avait un grand revenu, mais viager ; et le roi lui fit payer toujours une pension de mille louis d’or par mois[1]. Elle allait prendre tous les ans les eaux à Bourbon, et y mariait des filles du voisinage, qu’elle dotait. Elle n’était plus dans l’âge où l’imagination, frappée par de vives impressions, envoie aux carmélites. Elle mourut à Bourbon en 1707[2].

Un an après le mariage de Mademoiselle de Nantes avec Monsieur le Duc, mourut à Fontainebleau le prince de Condé, à l’âge de soixante-six ans[3], d’une maladie qui empira par l’effort qu’il fit d’aller voir Madame la Duchesse, qui avait la petite-vérole. On peut juger par cet empressement, qui lui coûta la vie, s’il avait eu de la répugnance au mariage de son petit-fils avec cette fille du roi et de Mme de Montespan, comme l’ont écrit tous ces gazetiers de mensonges, dont la Hollande était alors infectée. On trouve encore dans une Histoire du prince de Condé[4], sortie de ces

  1. Environ vingt mille de nos livres.
  2. Quand il apprit sa mort, Louis XIV dit : « Il y a trop longtemps qu’elle est morte pour moi, pour que je la pleure aujourd’hui ! »
  3. Le 11 décembre 1686, comme l’a dit Voltaire, page 6.
  4. C’est au commencement du septième livre de l’Histoire de la vie et actions de Louis de Bourbon, prince de Condé, qui a eu plusieurs éditions, dont l’auteur m’est inconnu, et que la seconde édition de la Bibliothèque historique de la France, du P. Lelong, attribue, sous le n° 24226, à Pierre Coste. L’ouvrage de P. Coste