Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/489

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pas encore né, sont donc évidemment fausses. Presque toutes les dates de ces lettres imprimées sont erronées. Cette infidélité pourrait donner de violents soupçons sur l’authenticité de ces lettres, si d’ailleurs on n’y reconnaissait pas un caractère de naturel et de vérité qu’il est presque impossible de contrefaire[1].

Il n’est pas fort important de savoir en quelle année cette dame fut chargée du soin des enfants naturels de Louis XIV ; mais l’attention à ces petites vérités fait voir avec quel scrupule on a écrit les faits principaux de cette histoire.

Le duc du Maine était né avec un pied difforme. Le premier médecin, d’Aquin, qui était dans la confidence, jugea qu’il fallait envoyer l’enfant aux eaux de Barége. On chercha une personne de confiance, qui pût se charger de ce dépôt[2]. Le roi se souvint de Mme Scarron. M. de Louvois alla secrètement à Paris lui proposer ce voyage. Elle eut soin depuis ce temps-là de l’éducation du duc du Maine, nommée à cet emploi par le roi, et non point par Mme de Montespan, comme on l’a dit. Elle écrivait au roi directement ; ses lettres plurent beaucoup. Voilà l’origine de sa fortune : son mérite fit tout le reste.

Le roi, qui ne pouvait d’abord s’accoutumer à elle, passa de l’aversion à la confiance, et de la confiance à l’amour. Les lettres que nous avons d’elle sont un monument bien plus précieux qu’on ne pense : elles découvrent ce mélange de religion et de galanterie, de dignité et de faiblesse, qui se trouve si souvent dans le cœur humain, et qui était dans celui de Louis XIV. Celui de Mme de Maintenon paraît à la fois plein d’une ambition et d’une dévotion qui ne se combattent jamais. Son confesseur Gobelin approuve également l’une et l’autre ; il est directeur et courtisan ; sa pénitente, devenue ingrate envers Mme de Montespan, se dissimule toujours son tort. Le confesseur nourrit cette illusion : elle fait venir de bonne foi la religion au secours de ses charmes usés, pour supplanter sa bienfaitrice devenue sa rivale.

Ce commerce étrange de tendresse et de scrupule de la part du roi, d’ambition et de dévotion de la part de la nouvelle maîtresse, parait durer depuis 1681 jusqu’à 1686, qui fut l’époque de leur mariage.

  1. Voltaire distingue, comme on voit, les Lettres des Mémoires de madame de Maintenon, fabriqués par La Beaumelle.
  2. L'auteur da roman des Mémoires de madame de Maintenon lui fait dire à la vue du château Trompette : « Voilà où J’ai été élevée, etc. » Cela est évidemment faux ; elle avait été élevée à Niort. (Note de Voltaire.)